Remise en cause du droit à l’avortement : après les Etats-Unis, le débat ravivé au Canada

Des milliers de militants anti-avortement ont défilé dans les rues de la capitale canadienne Ottawa jeudi pour s’opposer à ce droit qui, dans le pays voisin, est menacé par une décision prochaine de la Cour suprême des États-Unis.

Des militants anti-avortement défilent dans les rues d'Ottawa, au Canada, le 12 mai 2022. Lars Hagberg / AFP
Des militants anti-avortement défilent dans les rues d'Ottawa, au Canada, le 12 mai 2022. Lars Hagberg / AFP

    Le débat aux États-Unis sur l’avortement a dépassé les frontières. Le sujet s’invite au Canada, où ce droit, inégalement appliqué dans les différentes provinces, repose aussi sur un arrêt de la Cour suprême. Des révélations explosives sur la Cour suprême américaine, qui semble prête à renvoyer le droit à l’avortement 50 ans en arrière, ont redonné de la voix aux opposants canadiens.

    Car comme de l’autre côté de la frontière, le droit à l’avortement au Canada n’est pas protégé par une loi, mais par la jurisprudence. Il repose sur l’arrêt « Morgentaler », de janvier 1988, qui porte le nom d’un médecin poursuivi pour avoir pratiqué des interruptions volontaires de grossesse. Par cet arrêt, la Cour suprême a décriminalisé complètement l’avortement en s’appuyant sur la Charte canadienne des droits et libertés.

    « Ce débat aura une influence chez nous »

    « Clairement nous n’avons pas le même profil juridique que les États-Unis car la polarisation politique n’est pas aussi forte », estime Isabelle Duplessis, professeure de droit à Montréal et spécialiste des droits des femmes. Cette dernière ne croit donc pas à un revirement de la Cour suprême canadienne mais s’inquiète des conséquences de ce débat sur la société civile.



    « Ce débat aura une influence chez nous », s’inquiète-t-elle. « Il est évident qu’il peut y avoir un mouvement de ressac contre les droits des femmes et le droit à l’avortement au Canada. » Conscient de l’inquiétude qui monte, le gouvernement du Premier ministre Justin Trudeau a cherché à rassurer les Canadiens affirmant qu’il allait protéger l’accès à l’avortement évoquant même la possibilité d’un nouveau cadre juridique pour garantir ce droit. « C’est un moment où la menace d’un potentiel retournement aux États-Unis inquiète les femmes au Canada et dans le monde entier », a-t-il déclaré jeudi.

    Une difficulté d’accès dans les zones rurales

    Au Canada, l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est permise en théorie pendant toute la durée de la grossesse. Ce sont les provinces et les territoires du pays qui doivent ensuite en garantir l’application. Et c’est là, le véritable enjeu dans un vaste pays, où pourtant près de 80 % des habitants se disent en faveur du droit à l’avortement.

    « Au cœur du problème, il y a l’accès à des hôpitaux pratiquant l’avortement dans certaines régions », qui impose à certaines femmes de faire des heures de route, estime Joyce Arthur, directrice générale de la Coalition pour le droit à l’avortement au Canada. En moyenne, seul un hôpital sur six pratique des avortements.

    Sur la centaine d’hôpitaux et de cliniques les pratiquant au Canada, la moitié se trouve au Québec. Dans de nombreuses provinces - Manitoba, Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick - il est impossible d’obtenir une IVG en région rurale.