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Aux Etats-Unis, « les personnes issues des minorités sont les plus susceptibles de ressentir l’impact d’une interdiction de l’avortement »

Christen Bryson et Anne Légier, maîtresse de conférences et docteure en civilisation américaine, analysent les conséquences dramatiques qui pourraient découler d’une remise en cause de l’arrêt autorisant l’IVG outre-Atlantique depuis 1973.

Publié le 16 mai 2022 à 07h00, modifié le 22 juin 2022 à 11h34 Temps de Lecture 3 min. Read in English

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La divulgation d’un document interne en provenance de la Cour suprême des Etats-Unis, lundi 2 mai, semble confirmer que l’institution serait prête à revenir sur près de cinquante ans de jurisprudence protégeant le droit à l’avortement. Si, comme cela est pressenti, la Cour renversait Roe v. Wade (1973) et Planned Parenthood v. Casey (1992), la question redeviendrait immédiatement une prérogative des Etats fédérés. Or, cela représenterait un véritable danger pour la santé des personnes en âge de procréer, qui vivent, pour la majorité d’entre elles, dans un Etat considéré comme « hostile » à l’avortement (58 %, selon le Guttmacher Institute). Certains de ces Etats ont déjà adopté des « trigger laws », des lois qui entreraient immédiatement en vigueur si l’arrêt Dobbs v. Jackson Women’s Health [dossier qui pourrait aboutir sur la remise en cause de la jurisprudence Roe v. Wade] mettait fin à toute protection constitutionnelle du droit à l’avortement.

Ces lois anti-avortement, qui risquent d’être appliquées très rapidement dans la majorité des Etats (vingt-six sur cinquante, toujours selon le Guttmacher Institute), menacent la santé de toutes les personnes susceptibles d’être enceintes. L’histoire nous a en effet montré que le fait d’interdire l’avortement ne met pas fin à la pratique mais la relègue à la sphère bien plus dangereuse de la clandestinité. Les estimations sur le nombre d’avortements annuels pratiqués dans le pays avant Roe v. Wade varient de 200 000 à 1,2 million. Ces avortements étaient parfois effectués par des médecins ou des professionnels de santé qualifiés qui bravaient des lois qu’ils estimaient contraires à leurs obligations de soins. Dans ce cas, le fait d’opérer en dehors d’un système de soins officiel rendait les interventions plus dangereuses. La réalité de l’avortement était aussi, pour de nombreuses femmes isolées et désespérées, d’avoir recours à des méthodes moins sûres, notamment en tentant de provoquer une fausse couche. Même si l’image est déplaisante, c’est pour cette raison que le cintre métallique est devenu un symbole de la période précédant Roe v. Wade !

Contraintes injustifiées

A cette époque, les femmes privilégiées avaient plus facilement accès à un avortement sûr que les femmes pauvres. Aujourd’hui, les mêmes inégalités peuvent déjà s’observer. Les Etats qui s’apprêtent à interdire l’avortement, essentiellement au centre et dans le sud du pays, comptent parmi les plus pauvres (citons par exemple le Mississippi ou la Louisiane). Dans ces régions, les personnes issues de minorités ethniques et raciales sont les plus susceptibles de ressentir l’impact d’une interdiction totale ou partielle de l’avortement. Dans le Mississippi, alors que 38 % de la population est noire, 74 % des avortements concernent des Africaines Américaines (selon la Kaiser Family Foundation). La situation, déjà compliquée dans cet Etat qui ne compte depuis 2006 qu’une seule clinique pratiquant des avortements (la Jackson Women’s Health Organization de l’arrêt attendu prochainement), s’avérerait dramatique. L’Illinois deviendrait alors la destination la plus proche, mais ne serait pas nécessairement accessible pour les personnes les plus vulnérables qui ne pourraient, par exemple, pas manquer quelques jours de travail, payer le coût du voyage ou faire garder leurs enfants…

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