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Libération
Reportage

A Paris, 300 manifestants réclament la démission de Damien Abad: «Les politiques n’apprennent pas de leurs erreurs»

Violences sexuellesdossier
A l’appel de l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique, une foule s’est rassemblée ce mardi soir pour réclamer le départ du nouveau ministre des Solidarités au sein du gouvernement Borne, accusé de viol.
par Romain Métairie
publié le 24 mai 2022 à 21h32
(mis à jour le 24 mai 2022 à 21h33)

«Darmanin en prison, Abad démission !» Le message était clair, limpide, ce mardi soir place Saint-Augustin, dans le VIIIe arrondissement de Paris, où 200 à 300 personnes étaient rassemblées afin de protester contre le «gouvernement de la honte».

Le lendemain de l’annonce de sa composition, deux femmes portaient des accusations de viol contre le nouveau ministre des Solidarités Damien Abad, dans un article publié par Mediapart. Les faits auraient été commis en 2010 et 2011. Des témoignages «accablants de femmes, de victimes qui doivent être pris en compte», réclame Marie-Charlotte, présente devant les grilles de l’église Saint-Augustin. Derrière ses lunettes de soleil, cette cheffe monteuse de films et militante au sein du collectif féministe #NousToutes somme le nouveau gouvernement Borne de «se remettre en question». «Il faut qu’il y ait une enquête au sein du parti, et qu’il y ait aussi un principe de précaution à prendre parce que des collaboratrices vont travailler avec quelqu’un qui est mis en cause pour viol», poursuit-elle.

Quelques mètres plus loin, au milieu d’une foule où l’on pouvait apercevoir plusieurs personnalités politiques, comme l’écologiste Sandrine Rousseau, Pauline Baron, coordinatrice de #NousToutes, pointe l’étau dans lequel est pris le nouveau gouvernement : «C’est cette fameuse “jurisprudence Darmanin”, c’est-à-dire qu’un ministre mis en cause pour des faits de violences sexuelles n’a pas été viré à l’époque. Cela va poser problème dans le sens où, si on démet aujourd’hui Damien Abad, on va se demander pourquoi il y a deux ans on n’a pas démis Gérald Darmanin de ses fonctions de ministre de l’Intérieur ?»

Lundi, Damien Abad a nié les faits lors d’une intervention depuis son fief de l’Ain. «Un homme innocent doit-il démissionner ? Je ne crois pas.» Une défense qui ne convainc pas : «Bien sûr, la justice a à faire son travail, mais on parle aussi de responsabilité, et d’image qu’on transmet à l’ensemble des victimes, de la population française, rétorque Pauline Baron. Aujourd’hui, on a deux hommes mis en cause pour des violences sexuelles qui sont à des postes stratégiques dans la lutte contre les violences de genre. Comment ces deux hommes peuvent légitimement porter ces politiques ?» «Ci-gît la grande cause du quinquennat», clame une des pancartes brandies par la foule, comme pour lui répondre.

«Il faut arrêter de mettre les hommes politiques sur un piédestal hallucinant»

Le 16 mai, quelques jours avant la nomination de l’ancien chef des députés LR à ce poste, l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique – à l’initiative du rassemblement de ce mardi – avait émis un signalement auprès de LREM et LR. Parmi les cofondatrices de l’Observatoire fin 2021, Mathilde Viot ne décolère pas envers ceux qui «n’apprennent pas de leurs erreurs». Cette ancienne collaboratrice parlementaire LFI pose une question simple : «Est-ce que M. Abad peut remplir correctement ses fonctions à destination de l’intérêt général ? La réponse est non. Il faut arrêter de mettre les hommes politiques sur un piédestal hallucinant.»

Leur signalement de Damien Abad a été accompagné de nombreux messages de soutien et autres appels à la démission ces derniers jours. Certains détracteurs ont également pointé du doigt le timing du signalement – quelques jours avant la nomination du ministre – et le canal de communication utilisé – un mail à destination de quelques personnalités, dont Stanislas Guerini, le patron du parti présidentiel. Sur ces deux points, Mathilde Viot coupe net : «On a fait un mail à destination des personnes qui géraient l’investiture de M. Abad [pour les législatives] parce qu’à l’époque, c’était cela que l’on voulait atteindre : faire en sorte qu’il ne puisse pas se représenter en tant que député. C’est pour ça qu’on l’a fait avant le 20 mai.»

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Quant au timing, «celui des victimes. Peut-être qu’il y a eu un effet déclencheur de voir que M. Abad allait se présenter à nouveau, qui a fait qu’elles ont décidé de reprendre la parole, hypothèse Mathilde Viot. Nous, on n’est pas maîtresses de ce timing. Il faut vraiment arrêter avec cette rhétorique où les féministes sont toujours taxés d’être des sorcières dès lors qu’elles veulent intervenir dans le débat public pour pointer du doigt des injustices», demande-t-elle. Et maintenant? Elle assure vouloir poursuivre la lutte, sans avoir de vision à long terme concernant le mouvement, qui plaide pour la mise à l’écart de la politique des hommes mis en cause pour violences sexuelles et sexistes. L’Observatoire demande également la création d’une structure d’Etat qui prenne en charge ce travail de veille. «Pour l’instant, on fait au jour le jour. On verra ensuite.»

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