États-Unis : un texte contre les athlètes transgenres permet un examen des organes génitaux sur les enfants

Publié le 7 juin 2022 à 18h26

Source : Sujet TF1 Info

Un projet de loi a été adopté, mercredi 1er juin, par la Chambre des représentants de l'Ohio, interdisant aux filles transgenres de participer à des sports scolaires.
Dans l'attente d'une approbation du Sénat, le texte exigerait un contrôle de leurs organes génitaux par un médecin.
Seraient concernées toutes les personnes âgées d'au moins 6 ans dont le sexe est remis en question.

"Une gifle au visage de notre communauté." La Chambre des représentants de l'Ohio a adopté, mercredi 1er juin, un projet de loi visant les athlètes transgenres, baptisé "Save Women's Sports Act" ("Loi sur la sauvegarde du sport féminin", en français). Ce texte, à forte consonance conservatrice et qui doit encore obtenir - sans certitude - l'approbation du Sénat d'ici à la fin de l'année, prévoit d'interdire aux filles et femmes trans de participer à des compétitions d'athlétisme à l'école, au collège, au lycée et à l'université. Présentée comme favorable aux droits des femmes, la sous-section House Bill 151 acte un "processus de vérification" des parties génitales de toute personne, dès l'âge de 6 ans, "accusée" d'être transgenre.

Voté le premier jour du "mois des fiertés", le projet de loi, que s'est procuré la chaîne News 5 Cleveland, obligerait les écoles, les universités d'État et les collèges privés à désigner des équipes et des sports "unisexes" distincts pour "chaque sexe". Aucun "individu de sexe masculin" ne serait ainsi autorisé à intégrer une équipe scolaire réservée aux filles et femmes. En vertu de la mesure, si le genre d'une joueuse venait à être contesté, cette dernière devrait être en mesure de fournir "une déclaration signée d'un médecin", attestant de son sexe sur la base de trois évaluations définies par la loi : "l'anatomie reproductive interne et externe", "les niveaux de testostérone produits de manière endogène" et "une analyse de la constitution génétique"

Le cas Lia Thomas en fil rouge

"Dans tout notre pays, les athlètes féminines perdent des championnats, des opportunités de bourses d'études, des médailles, des opportunités d'éducation et de formation et bien plus, à cause de politiques discriminatoires", a justifié la représentante républicaine d'État Jena Powell, à l'origine, en février 2020, de ce texte visant, selon elle, "à garantir que chaque petite fille puisse réaliser son rêve sportif dans l'Ohio." "Nous ne pouvons pas permettre que les rêves des filles d'être une athlète médaillée d'or soient anéantis par des hommes biologiques qui volent leur opportunité", a-t-elle ajouté. "Ce projet de loi garantit que chaque petite fille qui travaille dur pour monter sur le podium ne se voit pas priver de sa chance par un mâle biologique."

Dans le collimateur de la Chambre des représentants de l'Ohio, à majorité républicaine, se trouve Lia Thomas, qui fréquente l'université de Pennsylvanie, l'État voisin. Le 17 mars dernier, elle est devenue, à 22 ans, la première nageuse transgenre à remporter un titre universitaire en l'emportant sur le 500 yards nage libre féminin (environ 457 m) à Atlanta, en Géorgie. Sa victoire, avec plus d'une seconde et demie d'avance, avait fait couler beaucoup d'eau. Une partie du public, où étaient présents les familles de ses adversaires, s'était agacé, jugeant que Lia Thomas bénéficiait d'un avantage physiologique injuste. Le débat s'était ensuite transposé à la sphère politique, suscitant la colère et les critiques de responsables conservateurs. 

"Il n'y a pas des dizaines de rêves de filles qui sont anéantis", a dénoncé la représentante démocrate, la Dr. Beth Liston. Selon les statistiques de l'Equality Ohio et l'Ohio High School Athletic Association (OSHAA), il n'y a qu'une seule fille transgenre qui a participé à des compétitions d'athlétisme dans l'Ohio au cours de l'année scolaire 2021-2022. "Cet amendement est une intimidation sanctionnée par l'État contre un enfant", a-t-elle affirmé, invoquant "une controverse inventée"

"C'est vraiment bizarre médicalement et absurde, mais en pratique, ce projet de loi signifie que si quelqu'un décide de remettre en question le vrai sexe d'un enfant, cet enfant doit subir un examen sensible", a déploré la médecin. "Cette législation est tout simplement malade. Aucun enfant ne devrait être contraint de subir des 'inspections génitales' pour pouvoir faire du sport", a-t-elle poursuivi dans un communiqué, qualifiant ces vérifications d'"agressions très effrayantes et limites".

Techniquement, le projet de loi ne limite pas le moment où une accusation peut être portée. Quiconque - à l'instar d'un entraîneur ou d'un parent d'élève souhaitant éliminer un adversaire - peut contester le sexe d'un concurrent. Il n'y a aucun contrôle sur la manière dont un individu s'estimant lésé peut abuser de la loi à des fins vicieuses. Au-delà de cibler les seules personnes trans, le texte pourrait par ailleurs blesser toutes les jeunes femmes qui seraient "inspectées"


Yohan ROBLIN

Tout
TF1 Info