Détention pour « corruption morale », mariages forcés ou restrictions à l’accès à l’éducation, les femmes en Afghanistan subissent les politiques répressives des talibans depuis le retrait des troupes occidentales en août 2021. Pendant près de dix mois, l’organisation non-gouvernementale (ONG) Amnesty International a réalisé une enquête approfondie auprès de 90 femmes et 11 jeunes filles afghanes.

« Amnesty International est une des premières ONG à s’être rendues en Afghanistan après l’arrivée des talibans au pouvoir », explique Nicolette Waldman, coautrice du rapport et chercheuse sur les conflits armés. Au-delà du travail de documentation des violations commises par le régime en place, la réalisation d’un tel rapport permet de « donner une voix à ces femmes et d’envoyer un message puissant au monde entier ».

Une violation des droits à l’éducation

Déjà largement existantes, les disparités d’accès à l’éducation entre les filles et les garçons se sont accentuées depuis août 2021, en particulier au lycée et à l’université. Alors que le 23 mars dernier, les talibans avaient promis le retour des filles à l’école, les établissements scolaires n’ont finalement pas ouvert leurs portes, privant des millions de jeunes filles du droit à l’éducation. « Si je ne peux pas devenir infirmière, médecin, artiste ou ingénieure, qu’est-ce que je vais faire ? », confie Fawzia, 17 ans. Afin d’aider à l’éducation des filles, un réseau d’écoles souterraines s’est développé dans les régions rurales du pays. Néanmoins, les membres de l’ONG responsable de ce réseau expliquent « vivre dans la peur constante que les talibans les découvrent ».

Même si les étudiantes ont pu retourner sur les bancs de l’université, Amnesty International déplore les restrictions qui leur sont imposées : cours non mixtes, interdiction de prendre la parole en classe, obligation de suivre des cours enseignés par des femmes ou encore le port d’une tenue couvrante. En raison de ces conditions, « beaucoup d’étudiantes ont cessé de se rendre à l’université ou ne se sont pas réinscrites ».

Un contrôle accru de la vie des femmes

Selon les recherches effectuées par des militants locaux, une « forte augmentation du taux des mariages forcés des enfants » a été observée. Parmi les facteurs expliquant ce phénomène, la crise économique figure en première position. En effet, la promesse d’une dot et l’espoir d’une vie meilleure pour son enfant représentent une motivation considérable pour un nombre important de familles dans le besoin. Stephanie Sinclair, directrice de l’organisation Too Young to Wed, explique que cette hausse était prévisible en raison d’une combinaison de facteurs : « Un gouvernement patriarcal, la guerre, la pauvreté, la sécheresse et la non-scolarisation des filles. »

En outre, la liberté de mouvement des femmes est entravée. Une augmentation drastique du nombre d’Afghanes arrêtées et détenues pour « apparition en public sans un mahram (homme qui occupe le rôle de gardien, NDLR) ou avec un homme qui n’est pas un mahram » a été rapportée. Accusées de « corruption morale », les femmes placées en détention sont victimes de torture, de mauvais traitements et de menaces. Enfin, celles qui sont libérées sont contraintes de signer des déclarations selon lesquelles elles ne parleront pas publiquement de leur expérience en prison.

Un appel à agir

Sur le terrain, si les chercheurs n’ont pas rencontré de difficultés particulières pour mener à bien leur mission, ils encouragent les talibans à poursuivre la communication et les échanges avec « les organisations internationales et les ONG qui souhaitent se rendre dans le pays ». De plus, Amnesty International demande la réinstallation du ministère des droits des femmes en Afghanistan.

« Au vu de l’étendue et la sévérité des faits, tout le monde devrait se pencher sur la situation des femmes en Afghanistan », rapporte Nicolette Waldman. Le rapport appelle à la mobilisation de la communauté internationale et préconise le développement d’un programme de soutien pour les femmes par les organisations humanitaires.