Le nombre de féminicides a augmenté de 20 % en France en 2021 par rapport à l’année précédente, avec 122 femmes tuées sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint, selon un bilan publié à la fin d’août par le ministère de l’intérieur.
Des chiffres « glaçants », avait réagi Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. « Malgré les efforts sans précédent engagés par l’Etat ces cinq dernières années, les féminicides restent à un niveau trop élevé », avait-elle déclaré auprès de l’Agence France-Presse. Depuis début janvier, 79 féminicides ont déjà été recensés, ce qui situe l’année 2022 dans la moyenne de la précédente.
Dans un entretien au Journal du dimanche (JDD) du 4 septembre, la ministre préconise la création de juridictions spécialisées. « Ces affaires doivent être jugées d’une manière spécifique, déclare-t-elle. Donner une gifle à sa femme, cela n’a rien à voir avec voler un portable dans un magasin. Il faut interroger cet acte et lui apporter une réponse immédiate. »
S’inspirer « de modèles comme l’Espagne ou le Québec »
L’organisation de ces juridictions sera l’objet de la mission parlementaire, annoncée vendredi par la première ministre Elisabeth Borne à l’occasion des trois ans du « Grenelle » contre ce fléau qui touche essentiellement les femmes.
Cette mission qui durera six mois sera chargée de faire des propositions pour améliorer le traitement judiciaire des violences conjugales. « Avec Elisabeth Borne et Eric Dupond-Moretti [ministre de la justice], nous pourrons aussi nous inspirer de modèles comme l’Espagne ou le Québec », déclare Mme Rome au JDD. Au-delà des Pyrénées, le nombre de féminicides a fortement baissé depuis une quinzaine d’années en raison de plusieurs mesures spécifiques.
« Au minimum, il faut continuer à former tous les juges et procureurs susceptibles de traiter ce type d’affaires », avance la magistrate, qui veut sensibiliser sur « la notion d’emprise voire de contrôle coercitif, ces processus durant lesquels le conjoint violent place l’autre sous sa domination, le rendant dépendant et le plaçant dans une situation de grave danger. »
En réponse aux critiques d’associations qui dénoncent le manque de formation des forces de l’ordre, la ministre avance que « 157 000 policiers et gendarmes ont été formés », et que « 417 intervenants sociaux sont désormais présents dans des commissariats ou des gendarmeries, pour accompagner, soutenir et orienter les victimes ». Un chiffre que le gouvernement entend porter à 600 d’ici à 2025.
Lancement d’un « pack nouveau départ »
Isabelle Rome souhaite aussi lancer un « pack nouveau départ », afin de soutenir les femmes dans leur quête d’indépendance quand elles n’osent pas quitter leur conjoint violent par manque de moyens. Ce serait « une sorte de guichet unique, expérimenté dans plusieurs sites, pour fournir tout l’accompagnement nécessaire aux victimes et les aider à prendre leur envol », explique-t-elle en détaillant une « mobilisation d’aides sociales, [un] accès à la formation ou [une] aide au retour à l’emploi, [un] hébergement d’urgence ou un soutien psy ».
Parmi les nouvelles mesures, Elisabeth Borne a déjà annoncé de nouvelles places d’hébergement d’urgence pour les femmes qui fuient leur conjoint violent : d’ici à la fin de l’année, 10 000 places seront disponibles en tout, contre un peu plus de 9 000 aujourd’hui. Et le total montera à 11 000 l’an prochain.
Concernant les ordonnances de protection, qui interdisent en urgence tout contact entre l’auteur de violences et sa victime, Isabelle Rome se félicite que le taux d’acceptation ait progressé pour attendre aujourd’hui 67,8 %. « En 2021, 3 554 ordonnances ont été rendues, contre 1 600 en 2016. Et le délai de prononcé a été raccourci de quarante à six jours », argumente-t-elle.
Pour combattre sur le fond ce fléau des violences conjugales, la ministre juge qu’« il faut travailler en amont sur l’éducation ». « Avec Pap N’Diaye [ministre de l’éducation] (…) nous voulons amplifier cette éducation des filles et des garçons aux inégalités dès le plus jeune âge », avance-t-elle.
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