Giulia Foïs : "Le viol est le seul crime où c'est la victime qu'on interroge"

Giulia Foïs, invitée du 9h10 de France Inter jeudi 24 novembre. ©Radio France
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Giulia Foïs, invitée du 9h10 de France Inter jeudi 24 novembre. ©Radio France
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À l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes vendredi prochain, France 5 adapte sur scène le texte de Giulia Foïs "Je suis une sur deux". Elle est notre invitée.

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Giulia Foïs, journaliste, productrice de l'émission "En Marge" sur France Inter, a écrit le livre Je suis une sur deux, sur le viol qu'elle a subi, qu'elle a mis 20 ans à écrire, en en faisant ensuite comme elle le dit un "terrain d'études journalistiques".

Les femmes violées sont jugées

Giulia Foïs explique au micro de Sonia Devillers la double peine que subissent les victimes de viol : "Depuis la nuit des temps, les femmes sont punies de la même façon que leur violeur. Et c'est encore le cas. C'est plus le cas juridiquement en France, mais ça l'a été jusqu'au XIXᵉ siècle et c'est encore le cas dans un certain nombre de pays au monde. Elles sont, entre autres, bannies de la cité, c'est-à-dire qu'elles n'ont plus le droit de vivre au milieu des autres femmes. Donc à l'époque, on est montrée à la télé avec perruque et lunettes, comme si on voulait bien les voir, mais pas trop quand même. Et comme si elle était terrifiée par le regard qu'on allait pouvoir porter sur elle et à raison. Parce que quand on dit : 'j'ai été violée', on a la trouille parce qu'on sait qu'on va en prendre plein la gueule et on en prend plein la gueule."

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Elle ajoute à cela l'aberrante culpabilisation que subissent les femmes violées : "Le viol, c'est le seul crime où c'est la victime qu'on interroge et pas le coupable." Elle-même a dû déconstruire cette idée : "Le chemin consiste à comprendre qu'on a été victime. À partir de ce moment-là, on peut cesser de l'être."

"Mauvaise victime", "bon viol"

Giulia Foïs dit qu'elle n'a pas été la bonne victime, parce qu'elle continué à vivre, et qu'elle a gardé une "poker face". Son violeur n'était pas le bon violeur, car il était capitaine de l'équipe de foot. Mais c'était le "bon viol", celui qu'on croit. Elle s'est rendu compte de cela quand elle a rencontré d'autres femmes à qui c'était arrivé dans les groupes de parole tenus par le Collectif féministe contre le viol : "Je me suis rendu compte qu'à une écrasante majorité, elles avaient été violées par un père, un frère, un patron. Le viol que moi j'ai subi, c'est-à-dire un inconnu en pleine rue sous la menace d'une arme, etc.,  c'est un viol sur dix. Paradoxalement, c'est celui qu'on imagine comme majoritaire parce que c'est le seul qu'on arrive à penser."

Les femmes qu'elle a rencontrées dans ces groupes de parole se sont toutes lavées après le viol, comme elle : "on se sent souillée, salie parce qu'il nous a mis du laid dedans, il nous a mis de la violence dedans. Donc on veut l'enlever, lui, de notre corps. Il est rentré par effraction. On découvre tellement de choses qu'on n'était pas censée savoir, c'est-à-dire qu'on découvre que notre nature de sujet n'est pas inaliénable et inaltérable."

En se lavant et en lavant sa voiture, elle a donc effacé les preuves. Elle se demande si ça aurait suffi pour que son violeur soit condamnée : "Peut-être mais ce n'est pas sûr", car comme elle l'explique : "maintenant que j'ai bossé sur le sujet, je connais les chiffres, je sais aussi que quand une victime de viol rentre dans un tribunal, elle part perdante. Donc de toute façon, il aurait trouvé quelque chose."

Pour Giulia Foïs, c'est aussi et surtout une question de moyens alloués : "La réponse politique n'est pas à la hauteur des enjeux. Le budget dédié à l'égalité femmes-hommes et à la lutte contre les violences faites aux femmes est le plus petit budget de l'État. La réponse policière judiciaire n'y est pas. Les seuls à pouvoir faire quelque chose c'est nous, les ex-victimes en fait. Donc moi, on m'a tendu la main, je leur tends la main et je réponds à chaque message."

🎧 Écoutez l'émission dans son intégralité...

50 min

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