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Réchauffement climatique : qui sont les femmes qui préservent les forêts

Réchauffement climatique : qui sont les femmes qui préservent les forêts
Cécile Robin est chargée de recherche à l’INRAE. - © Collection personelle

Des milliers d’arbres meurent, victimes des maux du réchauffement climatique. Forestiers, chercheurs ou écologues sonnent l’alarme et œuvrent au quotidien pour préserver ces forêts en état de crise sanitaire.

Canicules, mégafeux, sécheresse à répétions, tempêtes… Quatrième plus grande d’Europe, la forêt française est en péril. Le dernier inventaire forestier conduit par l’IGN*, dresse un constat alarmant sur l’état des arbres : en l’espace de dix ans, la moyenne nationale de leur mortalité a augmenté de plus de 50 %, avec un bond spectaculaire cette année. Quasiment l’ensemble des forêts est déjà ou sera impacté par des événements climatiques destructeurs. Les incendies en Gironde cet été sont un exemple probant. Entre janvier et août, déjà 62.000 hectares de végétation étaient partis en fumée d'après le Système européen d'information sur les feux de forêt. Un record depuis 2006. Sous l’effet combiné de la chaleur et de la sécheresse, les châtaigniers, chênes, frênes ou épicéas sont affectés par des maladies causées par des agents pathogènes ou des insectes ravageurs. La question des essences à replanter se pose.

C’est ainsi que des arbres méridionaux ou exotiques sont aujourd’hui testées par l’ONF au sein de parcelles expérimentales baptisées "îlots d’avenir". Objectif ? Observer leur comportement face au réchauffement climatique, et voir si une introduction plus large est envisageable. D’autant que la forêt qui couvre 30% du territoire joue un rôle crucial dans la transition écologique, notamment pour décarboner le secteur de la construction ou développer les énergies renouvelables. Dans son ouvrage Sauvez les forêts ! (Ed Double Ponctuation), l’écologue Alain Persuy appelle à une gestion durable de la forêt : limitation des coupes rases, régénération naturelle, gestion en futaie irrégulière et surtout la fin des monocultures. Car la forêt mosaïque pourvue d’essences mélangées est moins vulnérable aux maladies et aux incendies. Pour préserver leur forêt de feuillus, des Morvandeaux rassemblés à l’initiative de Lucienne Haèse sont devenus copropriétaires forestiers. Ils participent à rendre la forêt plus résiliente et montrent qu'une sylviculture respectueuse de la biodiversité est possible et souhaitable.

*Institut national de l’information géographique et forestière

Créer un laboratoire à ciel ouvert

Près de 50.000 chênes de la forêt de Chantilly (Oise) sont en train de mourir, victimes de la sécheresse et des attaques de hannetons. Face à cette accélération du dépérissement des arbres, on a tiré la sonnette alarme avec l’ambition de faire de ce domaine de 6.300 hectares un laboratoire à ciel ouvert. Depuis deux ans, nous menons avec des scientifiques et des forestiers un programme de recherche-action afin d’analyser ce qui se passe et d’identifier les leviers à actionner. Grâce à la mobilisation des 300 bénévoles du collectif "Ensemble sauvons la forêt de Chantilly", des milliers d’échantillons de sols ont été prélevés. Une fois analysés en laboratoire, on aura une cartographie précise de l’état des sols qui nous aidera à revoir nos méthodes. Maman de deux garçons, je tiens à ce qu’ils connaissent un monde où ils existent encore de grands arbres majestueux.
chateaudechantilly.fr/la-foret/ensemble-sauvons-la-foret-de-chantilly/
Daisy Copeaux, 43 ans, directrice du domaine forestier de Chantilly.

Développer les sciences participatives

Les maladies forestières causées par l’introduction d’agents pathogènes sont encore méconnues alors qu’elles restent souvent les principales causes du dépérissement des arbres. À l’Institut national de la recherche agronomique, j’étudie ces maladies émergentes qui progressent sous l’effet du réchauffement climatique comme la chalarose du frêne ou l’encre du châtaignier. Ce micro-organisme qui s’attaque au système racinaire des arbres fait des ravages. Pour mieux appréhender l’aire de répartition géographique de cette maladie, nous avons mis au point une application. Vigil’encre permet de faire des signalements dès que l’on suspecte un châtaigner malade. Grâce à l’analyse de ces données collectées sur le terrain partout en France, on pourra comprendre sa dissémination et mettre en place des mesures de gestion sanitaire pertinentes et fiables. Les sciences participatives sont une manière de faire évoluer la recherche.
Cécile Robin, 58 ans, chargée de recherche à l’INRAE.

Surveiller l’état de santé des arbres

À la fin de mes études à AgroParisTech, j’ai immédiatement postulé au département de la santé de forêts du ministère de l’Agriculture. Nous sommes 270 forestiers à diagnostiquer les problèmes sanitaires rencontrés dans les forêts françaises de métropole. Quand j’ai commencé à travailler ici en 2009, elles se portaient bien. Aujourd’hui, nous sommes inquiets. Les épisodes de sécheresses rendent très concret l’impact du réchauffement climatique sur les massifs forestiers avec les mortalités d’épicéas de plaine dans l’Est, les dépérissements de sapins, de hêtres, de pins, le développement d’insectes comme les scolytes. Suivre l’évolution de ces phénomènes est indispensable si l’on veut donner le maximum de chance aux forêts de se défendre à l’avenir. En guise d’indicateur, nous disposons de 600 placettes d’observation réparties sur toute la France qui permettent de surveiller l’état de santé de 12.000 arbres. Actuellement, nous travaillons à de nouveaux outils d’évaluation et développons la télédétection pour estimer les phénomènes de grandes échelles. Notre rôle est aussi d’accompagner les propriétaires forestiers. Un guide vient d’être publié sur la gestion d’une forêt en crise sanitaire. Morgane Goudet, 40 ans, ingénieure forestière au DSF.

Racheter des forêts

Depuis trente ans, je me bats pour la sauvegarde d’une forêt étagée et mélangée qui ne ressemble pas à une usine à bois. Parce que j’en avais assez d’être considérée comme une écolo qui n’y connaissait rien, j’ai créé un groupement forestier. En dix-neuf ans d’existence, on a réuni mille sociétaires et acquis collectivement 370 hectares de forêt. Notre ambition n’est pas de mettre la forêt sous cloche, mais de prouver qu’un mode de gestion respectueux de la nature et rentable est possible. Des parcelles sont laissées en libre évolution et on privilégie la régénération naturelle. On pratique une sylviculture dite à couvert continu qui mélange les âges et les essences d’arbres. Grâce à ces techniques, nos forêts sont mieux armés pour lutter contre le réchauffement climatique.
sauvegarde-forets-morvan.com
Lucienne Haèse, 81 ans, fondatrice du Groupement pour la sauvegarde des feuillus du Morvan.

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