Un forum pour rendre les femmes plus fortes

Le 24 novembre 2022, la Région Sud a organisé à Marseille le premier forum Respect pour les femmes, auquel ont participé plus de 600 personnes. Partenaires institutionnels, associations et personnalités de la société civile s’y sont succédé lors de tables rondes et de master class. L’objectif de cet événement unique en son genre : dénoncer toutes les formes de sexisme, de harcèlement sexuel, de violences, mais aussi et surtout apprendre à les identifier et savoir riposter. Parce qu’il est urgent d’agir et de prévenir dans notre société où une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son (ex-)conjoint.
Laure Mendel
Un forum pour rendre les femmes plus fortes Maïté Baldi

Dénoncer les atteintes dont tant de femmes sont victimes ne suffit pas, il faut leur proposer des solutions concrètes et efficaces pour s’en protéger. Telle est l’ambition de ce forum que nous allons reconduire en 2023 : apporter à toutes des conseils, des clés et des armes pour identifier les risques en amont, éviter les abus et savoir se défendre avant qu’il ne soit trop tard », a déclaré Renaud Muselier, Président de la Région Provence Alpes-Côte d’Azur, Président délégué de Régions de France, à l’initiative du forum. Jennifer Salles-Barbosa, présidente de la commission Lutte contre les inégalités, solidarités, défense des droits des femmes à la Région Sud, a insisté sur les engagements de la Région « avec, à la clé, un plan de 10 millions d’euros fléché en faveur de structures comme les associations d’aide aux femmes en difficulté, les maisons des femmes de La Seyne-sur-Mer et de Marseille, le centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) ». Parallèlement, des actions de prévention sont mises en place. « Nous finançons un Gynécobus, qui sillonne toute la région », rappelle Jennifer Salles-Barbosa. Aussi, face à la recrudescence des viols de jeunes femmes, droguées à leur insu lors des festivals et des concerts, des couvercles antidrogue (réutilisables) pour les gobelets sont distribués. Autant d’actions afin de prévenir les violences envers les femmes. Le forum Respect pour les femmes s’inscrit dans la droite ligne de cette volonté régionale.

Plus fortes dans le couple...

Les chiffres font froid dans le dos : 14 % des Françaises déclarent avoir été victimes de violences conjugales au cours de l’année 2022 (sondage Ifop). Ces violences ne sont pas seulement physiques et sexuelles. Plus insidieuses, elles peuvent être d’ordre psychologique ou administratif (confiscation des titres de séjour, des papiers d’identité). Pour ne pas en arriver là, il est important de ne pas minimiser, voire de ne pas nier les premiers signaux d’alerte.

Le consentement n'est pas une option

Pendant des générations, le mot « consentement » était absent de l’éducation affective et sexuelle des jeunes. Aujourd’hui, il est central, avec un message important à transmettre aux adolescents : « Quand ce n’est pas oui, c’est non. » A n’importe quelle étape du rapport sexuel, ne rien dire ne vaut pas consentement. C’est dans cet esprit que la société Désclic a développé un escape game, SéduQ. Sur la base d’une rencontre entre une fille et un garçon, les joueurs (une dizaine) doivent choisir entre plusieurs propositions à chaque étape. La partie s’interrompt si la relation n’est pas consentie. Ludique et éducatif !

Les bons réflexes pour se défendre

« Se rendre compte que l’on est victime, c’est déjà la moitié du travail », souligne Cindy Bruna, mannequin et auteure du livre Le jour où j’ai arrêté d’avoir peur (HarperCollins), qui relate le calvaire de sa mère, victime de violences conjugales. « Il faut absolument briser le silence et demander de l’aide, à commencer par appeler le 3919. » Autre point essentiel : accumuler des preuves de violences afin de pouvoir être entendue par la justice. Voilà pourquoi Sandy Beky a créé HeHop, une appli gratuite. On peut y télécharger des photos mais aussi des enregistrements audio et vidéo. Surtout, ces fichiers deviennent ensuite infalsifiables, grâce à la technologie de la blockchain, et sont stockés dans un coffre-fort numérique à vocation probatoire.

Il n’y a pas de petite violence, de petite gifle, une humiliation, c’est une humiliation.

Cindy Bruna, mannequin

Attention aux relations toxiques !

On le sait, l’amour rend aveugle. En matière de violence aussi. On ne veut pas la voir ou l’on trouve des excuses au conjoint violent (« Il est jaloux parce qu’il m’aime », « Il avait trop bu »…). Et ensuite, c’est l’engrenage… Pour ne pas en arriver là, il faut identifier au plus vite une relation qui dérape. « Il est essentiel de bien comprendre la différence entre un conflit de couple et une violence conjugale », indique Eric Florentino, responsable du pôle formation à Solidarité femmes 13. Si, dans une dispute, les deux personnes sont sur un pied d’égalité, dans une relation toxique, la femme se retrouve sous emprise avec la peur des réactions de son compagnon. Ne plus oser s’exprimer, ne plus avoir son libre arbitre sont autant de signes qui doivent alerter.

Plus fortes en société...

Pour les jeunes sportives victimes de violence, l'urgence de la réparation est essentielle.

Amélie Oudéa-Castera, ministre des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques - Crédit : Maïté Baldi

Des mesures pour protéger les jeunes athlètes

Aujourd’hui, les langues se délient pour dénoncer les violences sexuelles dans le monde sportif, à l’image de Cassandre Tanguy, une ancienne athlète qui affirme avoir été abusée par son entraîneur pendant six ans. « Dans les cercles de haute performance, certains entraîneurs exercent une réelle emprise sur les jeunes. Ces prédateurs jouent de leur ascendant », regrette la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castera. La mise en place par le ministère des Sports d’un contrôle d’honorabilité des éducateurs et exploitants bénévoles dans les fédérations constitue un premier « pare-feu », avec notamment la vérification des casiers judiciaires. Néanmoins, la vigilance de tous s’impose. Si vous êtes témoin ou souffrez d’un abus dans un club, il existe un moyen de signalement en ligne très simple : alerter sur l’adresse signal-sports@sports.gouv.fr. Le but, encore et toujours : libérer la parole pour mieux pouvoir accompagner les victimes.

Le sport, une arme irremplaçable

La pratique d’un sport reste cependant un formidable tremplin pour regagner confiance en soi. Marie-Alice Devoille, professeure de savate défense, une discipline française de self-défense, enseigne les gestes pour repousser un agresseur au sein de l’association marseillaise Femmes en défense. Lors du forum Respect pour les femmes, au cours d’un atelier, elle a prodigué ce conseil : « D’abord, ne jamais se placer complètement face à l’adversaire mais de profil, les jambes l’une derrière l’autre pour être plus stable… Et plus vous serez convaincues, plus vous serez convaincantes. » Le sport peut également être un réel vecteur d’émancipation, d’indépendance, de respect et de discipline. Comme ce fut le cas pour Karima Taieb, gardienne de but à l’Olympique de Marseille et invitée du forum. Celle qui a signé son premier contrat professionnel à 23 ans le reconnaît : « Le sport de haut niveau m’a poussée dans mes retranchements et permis d’avoir une grande ouverture d’esprit. Ça muscle aussi la tête ! »

Cours de self-défense - Crédit : Maïté Baldi

Le cyberharcèlement, un fléau à combattre

Election de Miss France 2021. April Benayoun, Miss Provence 2020, promue première dauphine, fut la cible d’un déferlement de haine antisémite sur Twitter, après avoir parlé des origines italo-israéliennes de son père… « J’ai décidé de porter plainte et je suis fière d’être parvenue à une condamnation », raconte-t-elle. Exemplaire, le procès des cyberharceleurs d’April n’en est pas moins exceptionnel, car, souvent, sur les réseaux sociaux, il est difficile d’accumuler des preuves – elles ne restent pas. Premier réflexe : enregistrer ou capturer les textes litigieux. Ensuite, il faut s’adresser à un huissier pour faire constater la preuve, sans oublier de signaler le problème à la plate-forme sur laquelle on a été harcelée.

Derrière l'écran, les personnes qui nous maltraitent pensent qu'elles sont intouchables et n'ont plus de limites.

April Benayoun, première dauphine de Miss France 2021 - Crédit : Maïté Baldi

Plus fortes au travail...

« T’es blonde de l’intérieur », « Je vais t’expliquer par des mots simples, comme ça tu comprendras », « T’es mignonne quand tu le veux »… Ce genre de propos sexistes circulent encore malheureusement dans les entreprises. Pourtant, la jurisprudence les condamne clairement. Selon le Conseil d’Etat, dans un arrêt rendu le 7 octobre 2022, ils justifient carrément un licenciement pour faute grave. La meilleure parade ? Interrompre le plus petit acte sexiste, car si on laisse faire, on envoie un signal de tolérance. Et il ne suffit pas de dire : « Tu exagères ! » Il faut faire comprendre à l’homme en face qu’il a dépassé les limites en lui spécifiant la gravité de son comportement. Attendez-vous à une réponse du type : « On ne peut même plus rire ! » Vous pourrez toujours rétorquer : « Si, bien sûr, mais pas de tous les sujets et surtout pas de mon statut de femme. » Et comment se défendre face au harcèlement sexuel au travail ? Un manager très collant, un collègue qui envoie des textos déplacés… les situations sont multiples, mais jamais anodines. Là encore, la meilleure manière de couper court est de manifester clairement son mécontentement, sans jamais devenir agressive. Sur un ton ferme et posé : « Ça me gêne que tu rentres sans me prévenir dans mon bureau. » Ne pas hésiter à en parler aux collègues et à la DRH. Bon à savoir également, au comité social et économique (CSE), qui représente le personnel dans les entreprises de plus de onze salariés, il y a en principe un référent « harcèlement sexuel » qui peut être un soutien précieux.

Trois questions à Caroline Vigneaux, humoriste

Ex-avocate, elle a quitté le barreau pour brûler les planches*… et faire rire sur des sujets aussi délicats que le sexisme.

Crédit : Maïté Baldi

Vous êtes marraine de ce premier forum Respect pour les femmes. Pourquoi un tel engagement ?

Mon combat pour le respect des femmes n’est pas nouveau. Depuis mes 16 ans, c’est une cause que je défends. Alors, bien sûr, j’ai dit oui tout de suite quand on m’a proposé d’être marraine de cet événement qui a une véritable action sur le terrain. Je me sens utile, car il n’y a qu’avec des faits concrets que l’on peut changer la vie des femmes.

N’est-ce pas risqué d’aborder un sujet aussi délicat que le sexisme avec l’humour ?

Vous savez, l’humour est une fonction primale et peut transmettre beaucoup de messages. Je pense, par exemple, au fou du roi, qui pouvait dire au seigneur en place ce que personne n’osait lui avouer. Alors oui, dans mes spectacles, j’ai décidé de faire rire sur le féminisme. J’ai aussi la volonté de briser les tabous sur le sexe féminin en les rendant ridicules. Rendez-vous compte, l’homme est le seul mâle sur la planète à considérer que sa femelle est impure quand elle a ses règles !

Vous défendez un féminisme de réconciliation. C’est-à-dire ?

Le féminisme, ce n’est pas opposer les femmes contre les hommes, mais faire en sorte que les femmes aient les mêmes droits que les hommes. Je suis une féministe optimiste, je suis pour la réconciliation entre les sexes, car j’aime les hommes. Tous ne sont pas des prédateurs et l’on a besoin d’eux pour évoluer. Regardez ce qu’il se passe en Iran, où certains arrachent les turbans des mollahs. Le féminisme n’est pas un problème de femmes mais l’affaire de toute l’humanité.

* A voir actuellement dans « Caroline Vigneaux croque la pomme », en tournée dans toute la France.

Rendez-vous au Forum 2023

Le forum Respect pour les femmes 2022 a été un franc succès : plus de 600 participants, 20 master class, 50 intervenants principalement issus des associations locales. En attendant l’édition 2023, le replay de l’événement 2022 est disponible sur le site maregionsud.fr.

le 16/01/2023