En Auvergne, un bus obstétrical lutte contre les déserts médicaux

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En Auvergne, un bus obstétrical lutte contre les déserts médicaux

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Le bus obstétrical Opti'soins installé sur la place du village de Condat, dans le Cantal.
Le bus obstétrical Opti'soins installé sur la place du village de Condat, dans le Cantal.
© Radio France - Victor Dhollande

Depuis septembre dernier, la région Auvergne-Rhône-Alpes expérimente un suivi de grossesse ambulant pour les femmes les plus éloignées des maternités et autres structures de périnatalité. Ce bus obstétrical, une première en France métropolitaine, rassure les futures mamans des zones rurales.

Dans le parking du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand, le rituel est le même tous les jours pour les sages-femmes du dispositif 'Opti’soins'. "Avant le départ, on harnache tout le matériel à l’intérieur du camion pour éviter que ça bouge dans tous les sens pendant le voyage", explique Nathalie Dulong. Il faut dire qu’elles n’empruntent que des routes de montagne à travers les quatre départements qu’elles couvrent (le Cantal, le Puy-de-Dôme, la Haute-Loire et l’Allier).

Depuis septembre 2022, quatre sages-femmes du CHU de Clermont-Ferrand vont à la rencontre des femmes enceintes les plus éloignées des structures de périnatalité. Pour ces futures mamans qui habitent loin des villes, il n’y a presque rien et leur suivi de grossesse est souvent chaotique. Le dispositif 'Opti’soins' a été pensé pour elles. Inspirée d’un projet à Mayotte, cette expérimentation de deux ans est pilotée par le Réseau de santé en périnatalité d’Auvergne et le CHU de Clermont-Ferrand, et financée par le ministère de la Santé et la région Auvergne-Rhône-Alpes.

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110 communes visées, 700.000 euros de budget

Dans ces petits villages de campagne que traverse le bus 'Opti'soins', la tendance n’est pas vraiment à l’opulence en termes d’offre de soins ces dernières années. L’Auvergne, par exemple, ne compte plus que dix maternités et trois centres périnataux de proximité (CPP), contre 17 maternités et un CPP en 2003. "On fait vraiment avec ce qu’on a dans nos campagnes, c’est-à-dire pas grand-chose", déplore Victoria. Cette vétérinaire de 28 ans profite de la venue du bus obstétrical pour ne pas faire les 30 minutes de voiture qui la séparent de sa sage-femme habituelle. "On comprend qu’une maternité dans le coin ne ferait probablement pas assez d’accouchements mais derrière, c’est un cercle vicieux. S’il n’y a pas d’offre de soins ni de commerces, les gens ne viennent plus vivre dans nos régions".

Installé sur la place de Condat, petite commune de 1000 habitants à la limite du Cantal et du Puy-de-Dôme, et à quelques encablures du Massif du Sancy, le camion doit être raccordé à une prise 220 volts pour faire fonctionner les équipements médicaux. A l’intérieur, une petite salle d’admission pour accueillir les patientes, regarder leur dossier, des toilettes, une salle d’examen avec un échographe, un monitoring, en somme un petit hôpital mobile.

Les sages-femmes rassurent les patientes

"Tout va bien depuis notre dernière venue ?", demande la sage-femme Nathalie Dulong à Victoria. "Moyen…", concède cette femme d'agriculteur. "J’ai eu pas mal de contractions, j’ai même dû appeler l’hôpital de Clermont." "On va contrôler tout ça", la rassure immédiatement la professionnelle de santé. Elle lui fait écouter le cœur du bébé et prend le temps de parler de la grossesse. "C’est très confortable d’avoir des sages-femmes qui se déplacent comme ça, confie Victoria, c’est une chance inouïe dans des coins aussi reculés".

'Opti’soins', une expérimentation accompagnée d'un projet de recherche. Dans ce dispositif, 400 femmes ont été identifiées à travers 220 communes. Dans les 110 premières, les futures mamans seront accompagnées par le bus obstétrical pour leur suivi de grossesse (en appui de leur sage-femme habituelle). Il y a ensuite 110 autres petites communes qui serviront de "témoins", les femmes enceintes ne seront pas vues par cette structure mobile, mais seront interrogées sur leur parcours de soins.

Au terme des deux ans d’expérimentation, financée à hauteur de 700.000 euros principalement par le ministère de la Santé et par la région Auvergne-Rhône-Alpes, une évaluation sera faite pour voir s’il y a nécessité de pérenniser ces structures mobiles.

"C’est l’avenir de la médecine de proximité"

Pour Nathalie Dulong, c’est une certitude, 'Opti’soins' "doit faire des petits". "Il y a tellement de villages isolés, où les femmes ont besoin, surtout pendant leur grossesse". Sage-femme depuis 12 ans, elle "retrouve du sens à son métier". "Pour les patientes qu’on vient voir, on prend du temps, c’est extrêmement bénéfique", explique-t-elle*. "Là, je viens de voir Victoria pendant deux heures, j’ai pu faire son suivi de grossesse, lui donner un cours sur l’allaitement. À l’hôpital, on enchaîne les rendez-vous et on passe rarement plus de 20 à 30 minutes par patiente."*

À l’avant du camion, Isabelle Raimbault, la deuxième sage-femme, regarde l’itinéraire pour la consultation suivante. Elle aussi est ravie de participer à ce projet. "C’est génial pour plusieurs raisons, d’abord parce que c’est motivant de participer à un projet novateur. Et ensuite, j’ai l’impression de lutter, à mon niveau, contre la désertification médicale."

Pour le moment, une quarantaine de patientes bénéficie de ce service de proximité et le bouche-à-oreille tourne à plein régime. "Les futures mamans en parlent entre elles, c’est bon signe", lâche Nathalie Dulong. Et de conclure : "Pour tous nos déserts médicaux, je suis sûr que ces structures mobiles représentent l’avenir de la médecine de proximité."

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