Dans un manuel de littérature de l’enseignement catholique destiné aux élèves de dixième (équivalent en France de la seconde), l’éditeur Katolikus Pedagogiai Intezet s’est permis de remplacer dans un poème le mot meleg (“homosexuel”) par magyar (“hongrois”), “sans en informer l’autrice ni obtenir son aval”, rapporte le quotidien social-démocrate Nepszava.

Intitulé Szo (“Mot”), ce poème de Judit Agnes Kiss, “souvent utilisé dans l’enseignement de la littérature magyare”, est vu comme “une réécriture du XXIe siècle du Szozat”, le second hymne national de la Hongrie, précise Nepszava. Les vers “évoquent l’émigration et ses dilemmes avec un langage et un ton parlant aux jeunes”, ajoute le journal, qui s’étonne d’une modification “incompréhensible” et “perceptible comme une censure” d’un poème “connu”.

“Texte dénaturé”

Informée de ce changement par Nepszava, l’autrice va contacter l’éditeur pour lui demander de “ne pas propager un texte dénaturé” et “d’où vient cette version”, témoigne Judit Agnes Kiss, surprise, auprès du quotidien. Katolikus Pedagogiai Intezet répond “ne pas avoir encore reçu de signalement à ce sujet” et argumente se défend en affirmant que “les poèmes contemporains existent dans plusieurs déclinaisons sur Internet”.

Le retrait du mot homosexuel” “se conforme bien à la propagande antigenre et anti-LGBTQI du gouvernement”, dénonce Nepszava. En février, lors de son discours annuel sur l’état de la nation, le Premier ministre, Viktor Orban, “considérait la ‘propagande du genre’ comme le plus grand danger menaçant les enfants”, rappelle le quotidien social-démocrate.

La loi “protection de l’enfance” de juin 2021, “présentée comme un texte défendant les mineurs mais mélangeant en réalité l’homosexualité et la pédophilie, s’inscrit aussi dans cette démarche”, ajoute le quotidien.

Quinze pays de l’Union européenne et le Parlement européen “poursuivent la Hongrie pour ses atteintes aux droits des homosexuels”, souligne Nepszava. Selon le journal critique de l’exécutif national-conservateur, au pouvoir depuis mai 2010, “la suspicion de ce changement volontaire est renforcée par le fait que Judit Agnes Kiss avait signé un texte dans Meseorszag Mindenkie”, un livre de contes inclusifs étrillé par les conservateurs à l’automne 2020.