SDF à Bordeaux, elle a fui son pays pour éviter à sa fille de se faire exciser

Victime d'excision à 15 ans, Hadja a fuit la Guinée afin d'éviter que sa fille ne subisse le même sort qu'elle. Arrivée à Bordeaux depuis deux semaines, elle dort dans la rue.

Hadja a été excisé à l'âge de 15 ans.
Hadja a été excisé à l’âge de 15 ans. (©Actu Bordeaux / Maëva Cosme )
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Il est 10h30, Hadja, 27 ans, erre sans but depuis plusieurs heures dans les rues de Bordeaux. Le long du Cours Victor Hugo, elle demande son chemin aux passants. Pendue à son bras, Mawa, 3 ans, tente de marcher à la même cadence que sa mère malgré ses jambes d’enfant. À chaque pas, elle manque de perdre une de ses tongs. 

Aux alentours de midi, elles s’échouent sur le banc du tram B, place de la Victoire. « Je suis fatiguée, tellement fatiguée », murmure la jeune femme, tout en réprimandant sa fille qui joue avec un mégot de cigarette. Arrivée à Bordeaux depuis deux semaines, elle a fui la Guinée en 2021 afin d’éviter à Mawa qu’elle ne subisse le même sort qu’elle : l’excision.

97% des Guinéennes sont victimes d’excision 

« J’avais 15 ans lorsque j’ai été excisée. En Guinée, c’est comme ça, c’est dans les traditions. Pendant mes accouchements, j’ai eu mal, très, très mal », témoigne Hadja. Selon une étude des Nations Unies de 2016, 97% des femmes guinéennes entre 15 et 49 ans ont subi des mutilations génitales.

Rituel de passage à l’âge adulte dans l’Ouest, l’Est et le Nord-Est de l’Afrique, dans quelques pays d’Asie ainsi qu’au Proche-Orient, l’excision est une ablation du clitoris et parfois des petites lèvres. Elle est effectuée avant l’âge de quinze ans et sur des petites filles de plus en plus jeunes, d’après un rapport daté de 2017.

Premier pays d’asile pour les femmes excisées

Selon une étude de 2013 du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), « en 2011, plus de 8 800 demandeuses d’asile âgées de 14 à 64 ans présentes dans l’UE auraient subi l’excision ou d’autres mutilations génitales ». La France est le premier pays d’asile pour ces femmes et ces fillettes. 

« Si j’avais su ce que ça allait me faire, j’aurai fui avant. Quand j’ai entendu ma famille commencer à parler de faire exciser mes filles, j’ai refusé. » Hadja n’a pas pu fuir avec tous ses enfants, elle a laissé ses deux filles aînées en Guinée, « chez des personnes de confiance », confie-t-elle.

Le jour où elle s’est enfuie avec sa fille benjamine, elle s’en souvient parfaitement. « Il était 4h du matin, il faisait nuit quand nous sommes partis tous les trois avec mon mari. Il me soutient. Lui aussi est contre l’excision ». 

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Montée du racisme en Tunisie 

S’est ensuivi un macabre périple. Hadja reste deux semaines au Mali, avant de rejoindre l’Algérie et de finalement s’installer en Tunisie. « J’y suis restée deux ans, c’était bien, j’avais une maison pour ma fille et je travaillais comme serveuse, mais on a dû à nouveau partir. Là-bas, ils tuent les noirs ! », explique la jeune femme. 

Un article du Monde paru en janvier 2023 évoque justement ce racisme grandissant à l’encontre des Subsahariens en Tunisie. Des violences accentuées avec la montée du Parti nationaliste Tunisien et les propos xénophobes tenus par le président Kaïs Saïed en février dernier, selon Amnesty International.

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Contraint de fuir la Tunisie, la famille tente de rejoindre l’Italie à l’aide d’un passeur. Coût du voyage : 1 000 euros par personne. Quinze jours de navigation attendent Hadja. À bord du bateau, les conditions sont précaires. 

« C’était la première fois que je voyais quelqu’un mourir devant moi. Chaque jour, il y avait un mort. J’ai prié Dieu pour qu’il nous sauve », raconte Hadja avant d’être interrompue par son mari, « il faut laisser ça derrière nous… »

« J’appelle le 115 »

La famille finie par arriver en France et rejoint Bordeaux en train. Une destination choisie un peu par hasard, « je ne connais personne ici », regrette Hadja. Depuis, elle dort dans une ruelle de Stalingrad avec sa fille et son mari, un pagne en guise de couverture. 

J'appelle tous les jours le 115, mais il n'y a aucune place pour nous.

Hadja

Le visage fermé, Hadja sourit très peu. Les seuls moments où elle laisse échapper un rire sont à l’évocation de l’amour qu’elle porte pour son mari ou de sa fille Mawa, qu’elle espère voir devenir journaliste un jour.

Hadja ne demande pas d’argent aux passants. « Tout le monde peut passer par ça, il vaut mieux ne pas demander d’aide et attendre qu’elle vienne de Dieu », explique son mari, tandis que Hadja replie consciencieusement la feuille dont son avenir dépend.

Sa première demande d’asile a été acceptée jusqu’au 16 juin. Passé cette date, difficile de savoir ce que le futur leur réserve. 

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