Violences sexuelles sur mineurs : le juge Durand appelle l’Etat à « organiser une réponse sociale protectrice »

Invité sur le plateau de Sens Public, l'ancien co-président de la Ciivise a rappelé le rôle que l'Etat devait jouer dans la protection des enfants victimes de violences sexuelles. Depuis bientôt un mois, les travaux de la commission sont en pause, après le départ de ses deux co-présidents, nommés fin 2023.
Rédaction Public Sénat

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Quelques mois après sa non-reconduction à la présidence de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites sur l’enfant (Ciivise), le magistrat Edouard Durand poursuit son combat pour la protection des victimes. Le 8 février dernier, il publiait l’ouvrage 160 000 enfants. Violences sexuelles et déni social (Gallimard), dans lequel il rapporte le constat fait par la Ciivise lorsqu’il en était le co-président : en France, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles, soit un enfant toutes les trois minutes.

Après le départ houleux de ses deux nouveaux coprésidents, la nouvelle feuille de route de la commission reste en suspens et les 82 préconisations rendues par la Ciivise 1 (2021-2023) n’ont pas encore vu le jour.

L’absence de feuille de route

La Ciivise avait été créée en 2021 à l’initiative du président Emmanuel Macron, dans le sillage des révélations publiées par Camille Kouchner dans son ouvrage La familia grande (Seuil). A la fin d’un mandat de trois ans, le gouvernement a décidé de retirer la charge qui avait été donnée au juge des enfants Edouard Durand et nomme deux nouveaux co-présidents en décembre 2023. Peu de temps après, la nouvelle co-présidente Caroline Rey-Salmon se retire, alors qu’une plainte pour agression sexuelle sur mineur vient d’être déposée à son encontre. Le co-président Sébastien Boueilh démissionne peu de temps après avoir pris la défense de sa collègue.

La commission se retrouve donc aujourd’hui sans feuille de route, et personne à sa tête. Un dossier dont la responsabilité incombe désormais à Sarah El Haïry, ministre déléguée à l’Enfance, à la Jeunesse et aux Familles, en remplacement de l’ancienne secrétaire d’Etat à l’Enfance Charlotte Caubel. A l’annonce de la composition de la nouvelle commission au mois de décembre, 13 membres de la Ciivise 1 avaient décidé de ne pas renouveler leur participation. Parmi eux, Arnaud Gallais (co-fondateur de Mouv’enfants) faisait partie de ceux qui réclamaient le retour du juge Durand à sa tête. Dans l’émission Sens public hier soir, il a fait part du sentiment de « gâchis » et de « colère » que cette décision représentait « pour les survivants qui avaient fait confiance » au gouvernement.

82 préconisations

Edouard Durand, quant à lui, regrette que les polémiques autour de la reconduction de la Ciivise, tendent à faire oublier ses 82 préconisations. Ces dernières avaient été établies à partir des témoignages de victimes, recueillis entre 2021 et 2023. Parmi ces recommandations figuraient entre autres : l’imprescriptibilité pour les viols et les agressions sur mineurs, la garantie pour les victimes que leurs soins spécialisés soient pris en charge à 100% ou encore, la reconnaissance du caractère incestueux pour des violences commises par un cousin ou une cousine.

La difficulté de mener des enquêtes plus de 30 ans après les faits est un argument souvent opposé aux défenseurs de l’imprescriptibilité. « Un mauvais argument » pour Edouard Durand, selon qui « les preuves matérielles et physiques sont très rares ». Comme l’avait annoncé Charlotte Caubel au mois de décembre, le sénateur de la majorité Xavier Iacovelli a rappelé que 41 préconisations avaient été initiées et que 25 autres étaient toujours en cours d’expertise.

Le juge Durand appelle donc à une réponse rapide de l’Etat qui se doit « d’organiser une réponse sociale protectrice ». Il tient également à rappeler que « protéger un enfant n’est jamais contraire à la présomption d’innocence » et que recueillir la parole des enfants relève de la « politique publique ».

Myriam Roques-Massarin

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