PROCESSurnommé « le violeur de Tinder », un photographe sur le banc des accusés

Surnommé « le violeur de Tinder », un photographe de mode jugé pour 17 viols et agressions sexuelles

PROCESSalim Berrada comparaît à partir de ce lundi devant la cour criminelle. Ce photographe de mode est soupçonné d’avoir agressé des jeunes femmes qu’il attirait chez lui au prétexte d’une séance photo.
« Violeur de Tinder » : le récit glaçant d'une des plaignantes
Caroline Politi

Caroline Politi

L'essentiel

  • Un photographe de mode de 38 ans, Salim Berrada, comparaît pour 17 accusations de viols et agressions sexuelles sur de jeunes femmes.
  • Toutes racontent le même scénario : une première approche sur les réseaux sociaux, de l’alcool à peine arrivée et des relations non consenties. La question de la soumission chimique plane sur cette affaire.
  • Le suspect n’a eu de cesse de nier les faits, assurant que les victimes étaient consentantes.

Toutes ou presque racontent la même histoire. Celle d’un rendez-vous pour un shooting photo qui a viré au cauchemar. Salim Berrada, photographe de mode aujourd’hui âgé de 38 ans, comparaît à partir de ce lundi devant la chambre criminelle de Paris pour une série de viols aggravés et d’agressions sexuelles. Dans ce volet – une autre enquête pour des faits similaires est toujours en cours –, dix-sept femmes l’accusent. Les plus jeunes étaient tout juste majeures, les plus âgées avaient 26 ans. Aucune ne se connaissait avant le début de l’affaire mais la concordance de leurs récits, jusqu’aux moindres détails, interpelle.

L’enquête débute en 2015 après la plainte pour viol d’une femme de 22 ans. Selon le récit de celle-ci, Salim Berrada l’a contactée sur un réseau social dédié au mannequinat pour lui proposer une séance photo. Flattée, elle accepte, imagine des photos dénudées mais « pas vulgaires ». Sur place, le photographe lui propose un verre de vin, insiste pour un second, un troisième. Rapidement, la jeune femme se sent prise de vertiges. Son esprit s’embrouille. Si elle ne parvient pas à se remémorer comment elle s’est retrouvée nue sur le canapé du studio, elle décrit avec précision aux enquêteurs le viol dont elle est victime, précise que son agresseur l’a photographiée.

« Yeux de furie »

L’année suivante, trois autres femmes portent plainte contre lui. Un mode opératoire se dessine : un premier contact pris sur un réseau social ou sur l’appli de rencontres Tinder – ce qui lui vaudra le surnom du « violeur de Tinder » –, puis un rendez-vous pour une séance photo dans son studio du 20e arrondissement de Paris. Une fois sur place, les modèles se voient donc proposer de l’alcool, parfois avec insistance. Beaucoup racontent des symptômes qui laissent penser qu’elles ont été droguées, puis un rapport sexuel non consenti. Une des jeunes femmes décrit les « yeux de furie » de son agresseur et un déchaînement de violence alors qu’elle se débat.

Placé en garde à vue en octobre 2016, Salim Berrada nie fermement les faits. S’il a reconnu au cours de l’instruction que les séances photos étaient des prétextes pour obtenir des relations sexuelles, il affirme qu’elles étaient consentantes. Face aux enquêteurs, il évoque « une addiction au sexe », estimant avoir couché avec 200 à 300 jeunes femmes en deux ou trois ans. « C’est ce qu’il a indiqué en garde à vue mais en réalité, les expertises mettent avant tout en avant un besoin irrépressible de vouloir plaire et séduire », précise Me Ambroise Vienet-Legué, qui assure sa défense avec Me Irina Kratz. La perquisition dans son studio a permis de découvrir de la MDMA dans une des bouteilles d’alcool et des médicaments antirhume. Si ces derniers sont en vente libre, ils peuvent entraîner des somnolences.

Treize nouvelles plaintes

Dans le milieu du mannequinat, l’enquête fait grand bruit. Dans les mois qui suivent, treize autres femmes se manifestent. Les scénarios décrits pourraient se superposer tant ils sont similaires. Toutes racontent l’alcool offert à l’instant même où elles ont passé le pas de la porte, puis les vertiges et les souvenirs cotonneux. Sur les dix-sept femmes, treize décrivent des viols. Les quatre autres expliquent être parvenues à partir après une agression sexuelle. L’une d'elle, par exemple, raconte avoir fait un black-out après avoir bu un verre. Selon son témoignage, elle a repris ses esprits en vomissant alors que le suspect était en train de l’embrasser. Dans la moitié des cas, une prise de sang ou l’analyse capillaire laisse entrevoir le spectre d’une soumission chimique.

Malgré cette avalanche de plaintes, leurs similitudes, le suspect maintient qu’elles étaient consentantes, évoque des femmes mues par une volonté de se venger par dépit amoureux, déception ou même frustration de ne pas avoir pu récupérer les photos à l’issue de la séance. Il nie fermement les avoir droguées. Son conseil rappelle que les tests ne peuvent pas précisément dater l’ingestion de toxiques. « Malgré les carences de l’enquête, les investigations menées ont permis de révéler de très nombreux éléments à décharge », insiste Me Ambroise Viennet-Legué. Devant le magistrat instructeur, le suspect a évoqué une « faute morale » et reconnu avoir « utilisé » ces femmes pour « son propre plaisir ». Un fichier Excel contenant des messages types pour séduire ces « cibles » a notamment été découvert sur son ordinateur.

Salim Berrada risque jusqu’à vingt ans d’emprisonnement. Mais l’enquête le concernant ne s’arrête pas là. Après presque trois ans de détention provisoire, il a été libéré sous contrôle judiciaire en 2019. Il s’est alors remis à fréquenter des sites de rencontres et ce, en dépit de son contrôle judiciaire. Et en juillet 2023, il a été réincarcéré. Une nouvelle information judiciaire est ouverte : six nouvelles plaintes ont été déposées. Il est mis en examen pour quatre d’entre elles.

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