« Des reculs sont à craindre »

Sophie Pochic, sociologue, directrice de recherche au Cnrs

« Les femmes, notamment ouvrières et employées, sont déjà vulnérables : elles occupent trois CDD sur cinq, 80 % des temps partiels et sont surreprésentées dans les secteurs non syndiqués. Un nouveau Code du travail qui facilite les licenciements, qui allonge la durée des contrats précaires, qui permet d'imposer des horaires étendus, risque de les fragiliser encore plus ! Et c'est sans parler de la disparition des CHSCT (comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail), grâce auxquels les élus du personnel avaient acquis une expertise en matière de lutte contre le harcèlement ou de risques psychosociaux, et pouvaient saisir les tribunaux. Enfin, alors que beaucoup d'employeurs (et parfois d'élus) sont convaincus que l'égalité est "déjà là", seul un cadre juridique ultra fort peut convaincre des entreprises d'agir. En l'état, ces textes me font craindre des reculs pour les femmes. »

« Le sur-mesure est un progrès »

Armelle Carminati-Rabasse, présidente de la commission innovation sociale et managériale du Medef

« En 2017, nous devons faire le pari de la responsabilisation et de l'intelligence des employeurs et des salariés. Les gens en ont marre d'être infantilisés. Dans le domaine de l'égalité professionnelle, nous sommes face à un millefeuille de lois sans qu'elle ne soit rapidement atteinte. Cette réforme du Code du travail desserre les contraintes en général et permet de faire du sur-mesure. À mon sens, c'est une avancée car une petite entreprise à majorité féminine n'aura pas la même stratégie qu'une organisation à majorité masculine, par exemple. L'égalité femmes-hommes ne doit surtout pas passer à la trappe. Pour ce faire, je mise sur les bonnes pratiques entre employeurs et employés ainsi que sur la diffusion d'outils afin de lutter efficacement contre ces inégalités et comprendre les enjeux de ce combat. »

« Nous serons vigilants »

Olga Trostiansky, présidente du laboratoire de l'égalité

« Nous ne condamnons pas le texte a priori. Mais regrettons l'absence d'étude d'impact, en amont, qui aurait permis d'anticiper ses effets collatéraux sur les femmes. Aucune mesure n'est neutre en matière d'égalité, ce qui est important, c'est ce qui se trouve derrière le miroir. La ministre promet que tout est sanctuarisé, nous voulons la croire : mais, quid des réaménagements de poste pour les femmes enceintes, des congés enfant malade, des primes... qui seraient désormais négociés dans l'entreprise et plus au niveau des branches ? Nous serons attentifs aux clarifications avant l'adoption définitive des textes. Et maintiendrons la vigilance au-delà. »

 Ce que dit le ministère

« Pas de recul pour les femmes », assure l'entourage de Muriel Pénicaud, ministre du Travail. Ni sur les droits parentaux ni sur le reste. Le texte va toutefois être réécrit pour qu'apparaisse « noir sur blanc que l'égalité professionnelle est un sujet obligatoire des négociations ». Les sanctions ? « Elles continueront de s'appliquer » aux mauvais élèves. « 36 000 accords d'entreprise sur le sujet vont aussi être publiés via une base de données. » Suffisant pour convaincre les spécialistes ? Pas sûr.

Cet article a été publié dans le magazine ELLE du 22 septembre 2017.  Abonnez-vous ici.