Entre inédits vintage et clichés cultes, on plonge dans cette rétrospective de Malick Sidibé, tout en grâce et en joie pour...
... ses extérieurs nuit. Irrésistibles ! Les pochettes cartonnées de Malick Sidibé, albums des soirées bamakoises des années 1960-1970, recèlent des trésors de spontanéité et de gaieté. « La tristesse en photo, c'est la misère », commentait le photographe disparu l'an dernier. Son secret de fabrique ? La proximité. Timide mais blagueur, ultra sociable, l'ex-dessinateur fait crépiter son flash et sa bonne humeur dans les « surpat' » des jeunes de la classe moyenne. À peine arrivé, « ça jaillissait tout de suite, l'ambiance montait d'un cran », raconte celui qui était devenu la coqueluche des bandes les plus in. Résultat : des instants non pas volés, mais offerts, où l'on se glisse en complice.
... ses belles et rebelles. En 1963, le vent de l'indépendance souffle sur le tout nouveau Mali, James Brown, les Beatles et Kar Kar déferlent sur les ondes, le cinéma américain propulse ses stars et ses motos rutilantes dans le monde. C'est une jeunesse électrisée par la musique et la liberté, et en rupture avec les traditions, que photographie l'ami « Malicki ». Sur les bords du fleuve Niger ou à l'Happy Boys Club de Missira, les jeunes urbains troquent le boubou contre le patte d'eph et la minijupe. Ils s'emparent du twist, dansent en couple sur de la rumba ou jouent aux agents du FBI devant l'objectif. Les poses « bizarres » et les moments « rigolos » qu'affectionne Sidibé tranchent avec les modèles chics de son aîné Seydou Keïta. Malick est devenu « l'oeil de Bamako » et sort l'Afrique des clichés ethnographiques.
... sa modernité à l'ancienne. Cessant ses reportages à la fin des années 1970, avec le début de la couleur, il continue ses « identités » dans son mythique Studio Malick, du quartier Bagadadji, devenu le repaire du Tout-Bamako, puis des étrangers de passage. Comme « Gégé la pellicule », célèbre patron du Photo Service de Bamako qui fut son mentor, le jeune Sidibé développe ses tirages avec un matériel hérité d'un militaire français - tout un symbole. Ce collectionneur et réparateur hors pair d'appareils photo bichonne un noir et blanc graphique d'une absolue modernité qui colle à notre époque, férue de vintage et avide de légèreté.
... sa bonne influence. Premier Africain à obtenir le prix Hasselblad, en 2003, et un Lion d'or à la Biennale de Venise, en 2007, le paysan peul, révélé au monde par le commissaire et agent André Magnin en 1994, a profondément marqué les artistes du continent. Dont le très coté Omar Victor Diop. L'humble portraitiste, héros malgré lui, parlait du miroir de son Rolleiflex comme d'un génie, capable de sublimer les gens. Et si c'était lui, avec sa malice et sa générosité humanistes, le génie ?
« Malick Sidibé - Mali Twist », jusqu'au 25 février 2018, Fondation Cartier pour l'art contemporain, Paris 14e.
Cet article a été publié dans le magazine ELLE du 20 octobre 2017.
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