5 femmes qui auraient mérité d'entrer au Panthéon

Sur les 76 « Grands hommes » qui reposent au Panthéon, seuls quatre sont des femmes. Alors que Simone Veil, la cinquième donc, y a fait son entrée en 2018, d'autres grandes figures, militantes, résistantes ou féministes, auraient mérité les honneurs de « la patrie reconnaissante ». Dans l'ouvrage « Ni vues, ni connues », le collectif Georgette Sand a fait le point sur cette injustice.
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Archives Snark/Photo12

Hubertine Auclert - la féministe

Elle était « probablement la première Française à se revendiquer féministe ». Tout au long de sa vie – de son renvoi du couvent à l’âge de 18 ans à sa célébration d’une révolution féminine en 1889 –, Hubertine Auclert s’est battue pour les droits des femmes et pour l’égalité entre les sexes. La lutte de cette riche héritière commence avec une grève des impôts, ainsi justifiée devant le préfet de la Seine : « Il y a quelques mois, je m’appuyais sur une loi identique pour réclamer mon inscription sur les listes électorales. On m’a répondu que, devant le scrutin, "Français" ne signifiait pas "Française". Si Français ne signifie pas Française devant le droit, Français ne peut signifier Française devant l’impôt ». En 1881, elle fonde un journal militant, La Citoyenne, qu'elle considère comme « féministe », alors que le terme n’est usité qu’en 1938 par Charles Fourier. Elle est aussi la première, avec sa camarade militante Marguerite Durand, à se présenter aux élections législatives, en 1910, sans succès bien évidemment. Hubertine Auclert, véritable symbole de l’émancipation féminine, mériterait pour cela son entrée au Panthéon.

Berty Albrecht – la résistante

Berty Albrecht est une militante née. Elle s’est notamment engagée au côté des Suffragettes pour demander le droit de vote des femmes, avant de créer, en 1933, la revue Le Problème sexuel qui milite pour le droit à l’avortement. La jeune mère de famille, séparée de son premier époux, s’est toujours battue pour les bafoués, les salis, les insultés, de l’Éthiopie attaquée par Mussolini à l’Espagne en pleine guerre civile. Dès le début de l’Occupation, Berty Albrecht est l’une des premières à s’engager dans la Résistance. Arrêtée et torturée par la Gestapo en mai 1943, elle se suicide dans sa cellule de prison. Malheureusement, la mémoire nationale oubliera rapidement ses faits d’armes. Éclipsée par Jean Moulin et quelques autres – tous des hommes bien évidemment – Berty Albrecht mériterait pourtant d’avoir une place au Panthéon, à la suite de Geneviève de Gaulle-Anthonioz et et, résistantes également.

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Archives du 7eme Art/Photo12

Joséphine Baker – l'agent double

Les critères pour reposer au Panthéon sont très flous. Il n’y est d’ailleurs même pas question d'une quelconque obligation de nationalité française. Peu importe pour Joséphine Baker, d’origine américaine, née dans le Missouri, mais grande amoureuse de Paris, qui fut naturalisée dans son pays d’adoption en 1937. Si sa carrière de chanteuse et danseuse est connue de tous, les luttes qu’elle a menées le sont beaucoup moins. Durant la Seconde Guerre mondiale, la star des cabarets s’engage contre l’antisémitisme et dans la protection des réfugiés. Plus obscur encore est le rôle qu’elle a joué dans les services secrets français. D’abord espionne, elle est ensuite nommée sous-lieutenant dans l’armée de l’air. Cette incroyable artiste et grande dame – devenue chevalière de la Légion d’honneur – est morte d’un AVC dans la plus triste des pauvretés. Mais son destin hors du commun aurait pu briller au Panthéon.

Paulette Nardal - la penseuse

La Négritude est l’un des plus grands mouvements intellectuels du siècle dernier, qui réfléchissait aux questions d’anticolonialisme et d’émancipation noire. Il est souvent associé à trois hommes : Léopold Sédar Senghor, Léon-Gontran Damas et Aimé Césaire. Dans son Discours sur la Négritude, prononcé en 1987 en Floride, ce dernier n’avait d’ailleurs remercié que « des hommes auxquels sont venus s’ajouter des hommes » qui avaient collaboré avec lui à cette nouvelle pensée. L’écrivain avait alors oublié qu’une femme était au cœur de ce mouvement. Paulette Nardal –première Martiniquaise à avoir étudié à la Sorbonne – tenait un salon à Clamart où se retrouvaient de nombreux intellectuels francophones noirs. Elle a également fondé La Revue du Monde Noir où elle a publié « Éveil de la conscience de race », considéré comme un article fondateur de ce courant. Philosophe autant qu’elle était poétesse, Paulette Nardal aurait dû – pour saluer son combat de l’ombre – entrer au Panthéon.

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Yolande Mignot/AFP

Yvette Chassagne - la grande première

« Madame Chassagne ne tire aucune vanité d’avoir remporté toutes ces premières ». Voilà l’un des titres de presse que l’on pouvait lire au lendemain de la nomination d’Yvette Chassagne au poste de « préfet » – l’on ne disait pas alors préfète – dans le Loir-et-Cher. Durant toute sa vie, qu’elle a consacrée jusqu’à sa mort à la politique, cette grande dame a multiplié les exploits. Elle est l’une des trois premières femmes diplômées de l’ENA en 1949, puis la première « sous-directeur » de la direction des assurances au ministère de l’Économie puis la première « conseiller maître » à la Cour des Comptes. Son surnom « Madame an 2000 », elle le tient de son poste de présidente du carrefour de la communication, sorte de « vitrine mitterrandienne des nouvelles technologies ». Yvette Chassagne n’arrêta jamais de travailler ni de se battre pour inciter les femmes à s’investir en politique. L’ouvrage Ni vues, ni connues souligne une petite phrase qui lui est attribuée : à un homme qui lui aurait demandé, certainement déstabilisé par une telle carrière « madame, je peux vous appeler monsieur ? », elle aurait répondu « je vous en prie, monsieur, je vous appellerais donc madame ». Un bon mot qui, à lui seul, vaut une place au Panthéon.

D'autres portraits de femmes oubliées par le Panthéon, l'Histoire et la mémoire sont à retrouver dans Ni vues, ni connues du collectif Georgette Sand (éditions Hugo & Cie), en librairies