Les violences à l'égard des femmes existent aussi sur internet et l'on en parle encore trop peu. C'est ce que Amnesty International souhaite dénoncer cette année, dans le cadre de la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes qui a lieu le 25 novembre 2017. De nouvelles recherches menées - avec un sondage commandé à IPSOS MORI au sujet des expériences vécues par des femmes âgées entre 18 et 55 ans au Danemark, en Italie, en Pologne, en Espagne, en Suède, au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis - ont révélé l'impact inquiétant qu'ont sur les femmes les violences et le harcèlement pratiqués sur les réseaux sociaux.

Près de 23% des femmes sondées déclarent avoir subi des violences ou un harcèlement sur internet

Dans ces huit pays sondés, près d'un quart des femmes (23%) ont affirmé avoir déjà été victimes de violences ou de harcèlement en ligne, le pourcentage variant d'un pays à un autre (16% en Italie, 33% aux États-Unis). 41% témoignent s'être senties en insécurité dès la première violence subie, faisant d'internet un lieu inquiétant voire toxique pour les femmes. Azmina Dhrodia, chercheuse sur la Technologie et les droits humains à Amnesty International a précisé : "Chacun sait que la misogynie et les violences prolifèrent sur les plateformes de réseaux sociaux, mais ce sondage montre à quel point les conséquences des violences en ligne sont désastreuses pour les femmes qui en sont la cible."

Les effets ne disparaissent pas lorsque vous vous déconnectez.

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Et d'ajouter : "Les effets ne disparaissent pas lorsque vous vous déconnectez. Imaginez que vous recevez des menaces de mort ou de viol lorsque vous ouvrez une application, ou que vous vivez dans la peur que des photos privées ou à caractère sexuel soient partagées sur Internet sans votre consentement. Le danger particulier des abus en ligne est la rapidité avec laquelle ils peuvent se propager – un tweet violent ou injurieux peut se muer en un déluge de haine ciblée en quelques minutes. Il est temps que les entreprises de réseaux sociaux prennent ce problème au sérieux."

En effet, les entreprises et le gouvernement ont une responsabilité dans les violences faites aux femmes sur les réseaux sociaux, et des réponses doivent être apportées, également des initiatives mises en place, en fonction de la nature et de la gravité. Les femmes sondées ont d'ailleurs indiqué que les actions des services de police et les politiques gouvernementales étaient insuffisantes. Il ressort aussi du sondage que les femmes estiment que les entreprises de réseaux sociaux doivent faire davantage. Seules 18 % des femmes interrogées dans tous les pays ont déclaré que les réponses de ces entreprises étaient très, assez ou complètement adaptées. Azmina Dhrodia l'affirme : "Les entreprises de réseaux sociaux ont la responsabilité de respecter les droits humains, notamment le droit à la liberté d'expression. Elles doivent faire en sorte que les femmes qui utilisent leurs plateformes puissent le faire librement et sans avoir peur."

À savoir que les plateformes de réseaux sociaux insistent : elles ne tolèrent pas les violences ciblées fondées sur le genre ou toute autre élément de l’identité d'une personne, et elles doivent désormais faire appliquer leurs propres normes collectives, notamment autoriser et habiliter les utilisateurs à se servir des options de sécurité individuelle et de confidentialité comme le blocage, la désactivation et le filtrage de contenu. Une chose qui permettrait aux femmes, et aux internautes en général, de vivre une expérience en ligne moins nuisible. Il y a aussi l'importance d'une bonne formation des modérateurs, capables d'intervenir rapidement.

Des violences en ligne qui créent l'angoisse, le stress et des crises de panique

Les femmes interrogées sont des internautes actives et environ 46% d'entre elles ont subi des expériences nocives, à caractère sexiste ou misogyne, et ces attaques s'apparentaient à des menaces d'agressions physiques ou sexuelles. 58 % des participantes au sondage ayant subi des violences ou du harcèlement ont aussi déclaré que les propos concernés comportaient des éléments racistes, sexistes, homophobes ou transphobes. Certaines d'entre elles ont également dit que leurs informations personnelles ou informations d'identification avaient été partagées en ligne (on l'appelle le "doxxing"). De plus, à la différence des violences et des agressions sexuelles subies physiquement, où 90% des femmes connaissent leur agresseur, en ligne, 59% des femmes ne connaissent pas l'auteur des violences.

Ces dernières entrainent plusieurs troubles psychologiques et une vraie peur. L'étude révèle que 61 % des femmes ayant déclaré avoir subi des violences ou du harcèlement en ligne ont affirmé que cela avait provoqué une baisse de l'estime de soi ou une perte de confiance en soi. 55% ont déclaré avoir été victimes de stress, d'angoisse ou de crises de panique après avoir été la cible de violences ou de harcèlement en ligne et 63 % ont déclaré que cela a provoqué chez elles des troubles du sommeil.

Elles précisent que depuis, elles ont changé leur manière d'utiliser les plateformes et ont limité leurs posts en veillant plus à ce qu'elles communiquent : 32 % ont cessé de publier du contenu véhiculant leur opinion sur certains sujets. Elles s'auto-censurent, pour ne plus risquer d'être agressées en ligne, comme le conclue Azmina Dhrodia. : "Les réseaux sociaux contribuent à renforcer la liberté d'expression, notamment l'accès à l'information, de bien des manières. Toutefois, la discrimination et la violence contre les femmes hors ligne ayant migré vers le monde numérique, de nombreuses femmes se retirent des conversations publiques ou s'autocensurent par peur pour leur vie privée ou leur sécurité."

Preuve que les entreprises et le gouvernement ont un rôle primordial à jouer dans la lutte contre les violences faites aux femmes qui existent désormais dans l'espace numérique.