“Godless” sur Netflix : enfin un western où les femmes font la loi

Dans ce patelin improbable où tous les hommes sont morts à la mine, les femmes affirment leurs différences. Une puissante galerie de portraits.

Par Cécile Mury

Publié le 13 décembre 2017 à 09h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 01h38

Il était une fois dans l’Ouest, quelque part entre Nouveau-Mexique et Colorado, une petite ville de pionniers, vers 1880 : sa grand-rue poussiéreuse, son saloon, ses bâtisses de bois… Et ses habitantes. Au féminin pluriel. C’est la grande idée de Godless, le western tout neuf de Netflix, produit par Steven Soderbergh : s’installer, le temps de sept épisodes, dans une communauté presque exclusivement peuplée de femmes. A La Belle (même le nom du patelin n’a rien de viril), les hommes en âge de travailler, fils, maris et pères, sont morts le même jour, au cours du même accident, au fond de la mine d’argent locale. La série n’en fait pas mystère, au contraire : exposé d’emblée, ce deuil collectif contribue à mieux tremper le caractère de celles qui sont restées. Plus encore qu’une ville de femmes, La Belle est une ville de veuves, que la nécessité de survivre a profondément changées. Scott Frank, le créateur de la série, use de cet artifice romanesque — presque un phalanstère féminin — pour bâtir des personnages dont l’indépendance, la modernité ou les choix amoureux pourraient, ailleurs, autrement, paraître anachroniques.

Certes, Godless est avant tout une histoire de haine et d’amour quasi filial entre deux hommes — un hors-la-loi (Jack O’Connell) et son dangereux mentor, bandit manchot (au sens propre), interprété par un trouble et magistral Jeff Daniels. En bon western, la série abrite son shérif fatigué, son jeune Indien naïf, ses notables arrogants, ses hordes de flingueurs sanguinaires et autres mâles conformes aux codes du genre. Mais, au-delà des prouesses d’acteurs, des morceaux de bravoure et des grands espaces ébouriffants, ce sont les femmes, leur diversité, leurs relations, leur complexité, qui transforment l’exercice de style en œuvre originale.

Chacune semble s’extraire d’un archétype pour faire naître quelque chose de neuf : Michelle Dockery (ici très loin de la lady Mary de Downton Abbey) apporte une intériorité, un mystère inédit à son rôle de belle fermière solitaire. La formidable Merritt Wever (vue dans The Walking Dead et Nurse Jackie) aiguise de sensibilité son personnage de dure à cuire en pantalon. Même au second plan, d’une mariée en fuite à une ex-tenancière de bordel reconvertie en maîtresse d’école, chacune se voit distribuer sa part de vérité. Il y a, dans ces portraits, autant de nuances que sur ces photos d’époque où l’on posait le visage grave et les vêtements un peu froissés : une imagerie historique sur laquelle la série s’appuie au moins autant que sur celle du western de cinéma, ses mythes et ses motifs.

Les citoyennes de La Belle ne sont pas les seules héroïnes marquantes et fortes à avoir conquis l’Ouest, loin s’en faut. Le genre fait une place aux femmes au moins depuis Jennifer Jones (Duel au soleil, de King Vidor, 1946), Joan Crawford (Johnny Guitare, Nicholas Ray, 1954) ou Barbara Stanwyck (Quarante Tueurs, de Samuel Fuller, 1957). Mais c’est la première fois qu’en leur offrant toute une ville le western est devenu leur territoire. 

 

surprise Godless, sur Netflix

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