« La médiatisation des sportives augmente mais reste stéréotypée »

publié par Pauline Pellissier le 15•12•2017
modifié il y a 2 mois
l’équipe de France de handball féminin qui dispute actuellement les championnats du monde en Allemagne. Qualifiées pour la demi-finale face à la Suède

INTERVIEW – Pour Sandy Montañola, spécialiste de la médiatisation du sport féminin, la différence de traitement et de considération persiste.

Alors que se tiendra lundi 18 novembre un colloque « Femmes et Sport : à quand l’égalité » (entrée gratuite, inscription ici), organisé par le Think tank Sport et citoyenneté, nous avons interrogé l’une des intervenantes sur la place des médias dans la persistance des stéréotypes de genres. Sandy Montañola, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Rennes, s’est spécialisée dans l’analyse de la médiatisation des sportives de haut niveau.
Vos travaux mettent en lumière les discours genrés dans la presse sportive. De quoi s’agit-il exactement ? Les discours journalistiques s’appuient sur des angles pour aborder le sport. Pour les hommes, ils ont tendance à choisir ceux liés à la compétition, tandis que, pour les femmes, ils favorisent ceux liés à la vie privée, par exemple. S’il cela ne pose pas problème à l’échelle d’un article, le phénomène est discriminant s’il devient une routine journalistique qui démontre une considération différente et hiérarchisée du sport féminin et masculin. D’ailleurs, plus le sport correspond aux normes culturelles masculines (comme la boxe, le rugby), plus ce mécanisme sera marqué. L’intégration de femmes dans un milieu historiquement masculin se fait alors à la condition de distinguer les deux pratiques. L’une serait moins technique, plus belle, plus fair-play… remettant à jour la théorie d’une complémentarité entre les femmes et les hommes. Ce discours fonctionne d’autant mieux qu’il est partagé par les athlètes et les entraîneurs.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples ? En premier lieu, il existe une réelle inégalité quantitative dans la médiatisation accordée aux femmes (la grande majorité des pages sportives restant masculines). En second lieu, la médiatisation reste assez stéréotypée via les angles journalistiques, le choix des images ou encore le ton. Le sport est un secteur dans lequel la différence de traitement et de considération s’appuie sur le processus d’essentialisation qui consiste à justifier les discriminations sociales par des différences physiques. Ainsi, certains discours justifieront un moins grand intérêt porté au sport féminin par une course moins rapide, moins tactique, etc. Ce qui va, à son tour, impacter la médiatisation et son attrait : les commentateurs présentent moins d’enthousiasme, par exemple.
Constatez-vous ces dernières années une amélioration dans le traitement du sport féminin ? Du point de vue quantitatif, nous assistons à une augmentation de la médiatisation du sport féminin, un phénomène qui permet, notamment aux chaînes de télévision de combler les difficultés d’acquisition des droits sportifs masculins extrêmement coûteux. Mais, si certains sports féminins se font une place (comme le basket), d’autres évoquent l’angle social (inégalité de traitement), économique (le nombre de spectateurs, l’audience…), mais pas sportif. Par exemple, l’intégration de la boxe féminine aux Jeux Olympiques de 2012 a donné lieu à une médiatisation portant précisément sur le fait social de l’arrivée des boxeuses, mais peu sur leurs combats.

Quelles sont vos préconisations pour améliorer les choses ? Il faudrait ne pas séparer hommes et femmes dans ce mécanisme des stéréotypes qui pèsent sur les deux sexes via des injonctions différentes et les enjeux de pouvoir et de domination qui les accompagnent. Il faudrait également considérer cette thématique comme une question politique, l’égalité ne devant pas se faire sous conditions, notamment dans le cadre des audiences. Travailler en amont sur la socialisation sportive et agir au niveau de la structuration sportive, auprès des sponsors et fédérations permettrait de les sensibiliser à l’impact des stéréotypes (calendrier de sportifs valorisant la virilité, de sportives valorisant la séduction…). Enfin, il faudrait mieux former les journalistes aux questions de discrimination et d’égalité.
Photo : l’équipe de France de handball féminin qui dispute actuellement les championnats du monde en Allemagne. Le match de la demi-finale face à la Suède sera diffusé ce vendredi 15 décembre à 20h35 sur TMC.

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