C’est une première en Roumanie : le 17 janvier, c’est une femme que le président, Klaus Iohannis, a nommé au poste de Premier ministre. Une fois obtenu l’investiture du Parlement, Viorica Dancila, candidate proposée par le Parti social-démocrate (PSD), prendra la tête d’un gouvernement qui ne devrait pas être très différent du précédent.

Depuis la victoire du PSD aux législatives, à la fin de 2016, c’est la troisième candidate que le parti présente à ce poste. Jugés trop indépendants vis-à-vis de la direction du parti, ses prédécesseurs, Sorin Grindeanu et Mihai Tudose, sont restés chacun six mois en poste. Viorica Dancila est, elle, considérée comme une proche du leader du parti, Liviu Dragnea.

“Il est très clair que le PSD dispose de la majorité au Parlement, je lui donne donc une troisième chance, c’est à lui maintenant de se mettre au travail et de prouver qu’il sait gouverner”, a déclaré Klaus Iohannis lors de la conférence de presse qui a suivi sa consultation avec tous les partis politiques, annonce România Libera. En une, le quotidien bucarestois se penche déjà sur “le brouillon du gouvernement Dancila”.

Une nomination polémique

Le président du pays a préféré la stabilité, remarque pour sa part le site d’information Europa Libera. Revenant sur la logique de “l’arithmétique parlementaire” dont Iohannis a tenu compte, le site consacre un long article aux “qualités de Viorica Dancila”.

Mme Dancila est une ancienne eurodéputée, riche de deux mandats dans cette institution, elle entretient de bonnes relations avec la Commission européenne, comme l’a souligné aussi son mentor, le président du PSD, Liviu Dragnea. Si son manque d’expérience en tant que dirigeante peut être un handicap, cela ne peut en revanche qu’avantager [Dragnea], car elle ne lui créera pas de problèmes, contrairement à ses deux prédécesseurs”.

La nomination de Viorica Dancila fait déjà couler beaucoup d’encre. D’un côté, en tant que membre de la Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres au Parlement européen, elle est plutôt connue pour ses prises de position en ce sens. Dancila a souvent réclamé par le passé que “chaque département de Roumanie compte au moins une femme parmi ses dirigeants”, rappelle ainsi le quotidien Evenimentul Zilei, qui parle d’une “coïncidence intéressante”. “Dancila a longtemps été à la tête de l’organisation des femmes du PSD de la ville de Videle, dans le département de Teleorman, dont elle a par ailleurs été conseillère départementale”.

D’un autre côté, sa nomination a suscité une vague d’indignation dans le camp de l’opposition comme dans celui des partisans du président Iohannis (centre droit), qui ont en particulier manifesté leur mécontentement sur les réseaux sociaux, en se désabonnant du fil Facebook du président ou en menaçant de ne pas voter pour lui à la prochaine présidentielle.

“Le président a fait le bon choix”

Quoi qu’il en soit, pour la politologue Alina Mungiu-Pippidi, qui publie une tribune dans Qmagazine, “le président a fait le bon choix en faisant passer l’intérêt du pays avant ceux des partis, en cette une année où l’on célèbre le centenaire de la création de l’État roumain moderne et où Bucarest prépare déjà sa future présidence du Conseil de l’Union européenne, durant le premier semestre de l’année prochaine”.

Le problème de Iohannis, c’est la majorité parlementaire. Pour en finir avec elle, il faudrait non seulement de nouvelles élections, mais aussi une opposition capable de les remporter. Laquelle n’existe pas actuellement.”

Ce que retiennent tant la presse roumaine que la presse étrangère, c’est le fait que Liviu Dragnea ait réussi à donner à la Roumanie sa première femme Premier ministre. “Si vous pensez que Viorica Dancila risque d’être médiocre et sans aucune qualité, rappelez-vous combien d’hommes avant elles ont paru médiocres et sans qualité, combien même avaient des défauts criants, mais personne n’a rien dit, car c’étaient des hommes,” conclut Mungiu-Pippidi.