Filippa Knutsson, de retour à la marque qu’elle a fondée en 1993, a donné le ton avec un superbe défilé de classiques épurés, présentés sur des mannequins extraordinaires dans une galerie de design. Totême et House of Dagmar ont également choisi des lieux qui reliaient le design scandinave à la mode suédoise. Autre temps fort de la semaine : les défilés des designers émergents, dont certains étaient présentés dans le cadre du Swedish Fashion Talents, sponsorisé par le Swedish Fashion Council. C’est lors de ces présentations que les questions de genre, de durabilité, et d’activisme ont été abordées le plus directement. Per Götesson et Andreas Danielsson (de PRLE) ont proposé des approches poétiques de la mode masculine, le premier jouant avec les proportions et la déconstruction, et le deuxième avec une vision bohème empreinte des année 70. A seulement 15 ans, Ingrid Berg a présenté une collection de jeans peints pour une esthétique DIY qui plaît à la génération Y ; tandis que l’équipe de K-ourage a pris position en faveur de l’inclusion et des droits de l’homme en faisant défilé sur les podiums leurs ambassadeurs créatifs et militants aux côtés des mannequins. Dans un autre genre tout aussi audacieux, les boucles d’oreilles surdimensionnées d’Ingy Stockholm, présentées lors d’un défilé consacré aux accessoires, et qu’on a également aperçues sur l’un des nombreux blogueurs norvégiens présents dans le public. Rave Review, qui n’utilise que des matériaux revalorisés, et Hi on Life, une marque qui soutient le tailoring traditionnel au Ghana où sont confectionnées ses pièces, se sont concentrés sur la durabilité – un problème qui préoccupe de plus en plus au sein de l’industrie et chez les amoureux de la nature que sont les Suédois.
Marque : Rave Review
Designers : Josephine Bergqvist et Livia Schück
Date et lieu de création : 2017, Stockholm
Look : Couture à partir de matériaux revalorisés
Ces deux créatrices ont étudié ensemble à la Beckmans School of Design et ont lancé leur ligne la saison dernière à Paris. Bergqvist et Schück sont deux femmes engagées, qui se sont embarquées dans une mission. Surfant sur l’intérêt croissant de l’industrie pour la durabilité, leur but est de "travailler avec des matériaux recyclés de manière moderne", et de montrer que la mode durable peut aussi être haut de gamme. Pour le moment, les deux créatrices utilisent des matériaux trouvés dans des dépôts-ventes ou sur Internet, et prévoient de collaborer avec des sociétés de recyclage à l’étranger à mesure que leur business évolue. Pour cet automne, le thème des sorcières leur a servi d’inspiration – mais il n’y avait rien de sombre ou glauque dans leur collection innovante, qui s’est ouverte sur une robe blanche en dentelle et incluait des manteaux en cuir déstructurés avec des inserts couverture. "Le thème des sorcières représente le féminisme – le fait d’être puissante et mystérieuse, sexuelle et provocante, tous les aspects que nous voulons mettre en valeur et qui sont aussi caractéristiques de notre marque."
Marque : PRLE
Designer : Andreas Danielsson
Date et lieu de création : 2013, Malmö
Look : Androgyne 70’s
Andreas Danielsson a étudié la conception et la couture à Tillskärarakademin Malmö et a ensuite été stagiaire chez CMMN SWDN avant de lancer sa propre marque il y a cinq ans. PRLE, qu’il faut prononcer comme le verbe français "parler", porte bien son nom : la voix de Danielsson est unique en son genre, et les messages qu’il fait passer sont entendus. Il aura attendu quatre ans en solo avant de présenter ses collections, en raison du "long processus d’apprentissage pour trouver mon esthétique personnelle et une raison d’être." Il y a quelque chose de très personnel dans les créations de Danielsson, qui associait cette saison des éléments aussi divers que des rubans de velours, des t-shirts de baseball, et du velours côtelé. "Ma principale source d’inspiration vient de l’image romancée des années 70, de la révolution pour la liberté, et de son esthétique avant-gardiste et androgyne."
Marque : K-ourage
Designer : Anna Blomquist, Jacob Bernhardtz, Magnus Klahr
Date et lieu de création : 2016, Stockholm
Look : Mode idéologique
Cette marque est née de la rencontre fortuite entre des vétérans de l’industrie dans le métro. L’équipe – Blomquist, le créateur, Bernhardtz, l’expert en e-commerce, et Klahr, le directeur artistique – est unie par la volonté d’utiliser leur créativité pour changer le monde. "Nous pensons que les gens ont envie de montrer qu’ils se sentent concernés", explique Blomquist, "et nous espérons être un moyen pour eux de matérialiser cette envie, de consommer en accord avec leurs convictions." L’idéologie n’interfère aucunement avec les créations aux lignes pures que la marque réalise. Plutôt que de s’appuyer sur des slogans, K-ourage travaillent avec des ambassadeurs qui incarnent les valeurs de la marque, comme par exemple Tess Asplund, 42 ans, qui a tenu tête à 300 néo-nazis lors d’un rassemblement en Suède. Pour exprimer la notion de courage à travers les vêtements, Blomquist incorpore dans les collections des éléments proches du corset médical ; ces derniers ne sont pas conçus comme des contraintes, mais sont là pour aider les femmes "à étirer fièrement le dos de manière confortable et en gardant la tête haute", explique le designer.
Marque : Per Götesson
Designer : Per Götesson
Date et lieu de création : 2016, Londres
Look : Mode masculine redimensionnée
Après avoir présenté sa collection automne 2018 à Londres, Götesson s’est envolé pour Stockholm pour participer au défilé Swedish Fashion Talents, où il a choisi de montrer des looks tirés de chacune de ses quatre collections. Parmi eux, des pièces portées à l’envers, des pyjamas en guise de tenue de jour, un marcel fait de capsules, et un jean extrêmement volumineux. Per Götesson, qui a travaillé avec Ann-Sofie Back et qui est diplômé du Royal College of Art de Londres, explique que sa garde-robe personnelle lui sert de point de départ et qu’en "modifiant les proportions, je joue avec de nouvelles silhouettes dans la mode masculine." S’il n’est pas un adepte du minimalisme scandinave, le designer reconnaît que son héritage influence son travail : "Le fait de grandir dans une petite ville [Vimmerby] a d’une certaine manière influencé mon goût pour les choses ordinaires et quotidiennes."
Marque : Hi on Life
Designer : Malin Busck
Date et lieu de création : 2009, Malmö/Accra
Look : Streetwear qui transcende les cultures
La créatrice allie coupes et textiles africains à des silhouettes street. Pendant la Fashion Week de Stockholm, où le streetwear est clairement sous-représenté, Malin Busck a organisé un événement pop-up hors programme avec une performance de la rappeuse suédoise Gnucci (Ana Rab). Pendant qu’un DJ s’occupait du son, Busck prenait en photo ses amis portant sa nouvelle collection, qui avait un côté très rave.
Marque : Iggy Jeans
Designer : Ingrid Berg
Date et lieu de création : 2017, Stockholm
Look : DIY pour Millennials
"J’ai commencé à peindre des jeans vintage pour créer un truc fun et unique", raconte Ingrid Berg, la plus jeune créatrice ayant jamais participé à la Fashion Week de Stockholm. La jeune fille de 15 ans a été repérée l’année dernière par Örjan Andersson, fondateur de Cheap Monday, alors qu’elle portait l’un de ses jeans peints dans sa boutique Frän Ö Till A. Il a soutenu ses créations depuis ce jour. "J’ai toujours adoré me déguiser, mélanger, et assortir les vêtements, et rendre fous mes parents [Kajsa Leander, cofondatrice de boo.com, et Joel Berg, célèbre directeur artistique]", raconte l’adolescente. "Heureusement pour eux, je suis allée dans une école qui imposait l’uniforme." Si la ligne n’est pas très variée, les pièces "excentriques" et la philosophie de Berg parlent à ses congénères Millennials. "Je n’ai pas une seule esthétique", explique-t-elle. "Et puis, je ne me prends pas trop au sérieux ; sinon tout finit par être barbant. J’adore les couleurs vives et les imprimés, et j’aime penser que mon style m’appartient. J’adore la mode pour toute la joie et le fun qu’elle apporte au quotidien."
Marque : Ingy Stockholm
Designer : Ingela Klemetz-Farago
Date et lieu de création : 2017, Stockholm
Look : Un art brut – allégé et doré
C’est à la fin de l’année passée qu’Ingela Klemetz-Farago a lancé sa marque, une ligne de bijoux engagée qui veut encourager les femmes à "être inspirées et à oser." Des partis pris audacieux qui correspondent parfaitement à Klemetz-Farago, une beauté statuesque qui adore Comme des Garçons et a soif de nouveauté. "Créer est une chose merveilleuse. Aussi loin que je me souvienne, cela a toujours été important pour moi", raconte la Suédoise hyperactive, qui est aussi photographe, conservatrice, et éditrice de livres de mode avec son mari, Peter Farago. C’est de la nature que s’inspirent les bijoux de la créatrice, qui sont faits de bois doré traité pour être aussi léger qu’une plume. A l’instar de la photographie du couple, les pièces de Klemetz-Farago sont à mi-chemin entre la mode et l’art.
https://www.vogue.com/article/stockholm-fashion-week-fall-2018-ready-to-wear-new-brands