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Au Gabon, des colliers GPS pour protéger les éléphants

Dans le pays, la population de pachydermes est passée de 60 000 individus il y a dix ans à 45 000 aujourd’hui du fait du braconnage.

Le Monde avec AFP

Publié le 08 février 2018 à 11h58, modifié le 08 février 2018 à 14h50

Temps de Lecture 4 min.

Pose d’un collier GPS sur un éléphant dans le parc national de Mwagna, dans le nord-est du Gabon, le 13 décembre 2017.

Avez-vous déjà essayé de poser un collier à un éléphant ? En apparence plutôt incongrue, cette question est au cœur d’un ambitieux programme de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) du Gabon, qui vise à suivre les pachydermes par GPS et étudier leurs déplacements pour, à terme, les protéger des braconniers.

Ce jour-là, depuis son « centre des opérations » à son QG de Libreville, l’ANPN est ainsi en mesure de se rendre compte que « Patrice », du haut de ses cinq tonnes et son collier GPS au cou, est sorti du parc national de l’Ivindo pour se rapprocher un peu trop du chemin de fer. « Il pourrait détruire des récoltes ou se rapprocher d’une zone d’action des braconniers. Nous savons que nous devons intervenir », explique Jean-Baptiste Squarcini, secrétaire général du projet Eléphant à l’ANPN.

« Le problème grandissant des incursions de pachydermes dans les villages, où ils détruisent les cultures et sont souvent tués par les habitants, vient s’ajouter au braconnage », souligne le Français. Suivi par les équipes de terrain de l’ANPN, qui le remettront dans le droit chemin, « Patrice » pourra donc continuer à brouter tranquille…

Une quasi-guerre

Avec 60 000 pachydermes, le Gabon abritait il y a encore dix ans la plus importante population d’éléphants de forêt d’Afrique centrale. Du fait du braconnage, « nous en avons perdu 15 000 depuis. Près d’un quart, c’est effarant ! », s’alarme M. Squarcini.

C’est une quasi-guerre que mènent les autorités gabonaises contre les braconniers et leur juteux trafic d’ivoire. Ceux-ci viennent du Cameroun et du Congo voisins, pénètrent en profondeur sur le territoire gabonais, agissant en colonnes militarisées, avec des pisteurs, des tireurs, des porteurs…

Un « projet de lutte contre la grande criminalité faunique » a été officialisé fin 2013 entre la France et le Gabon. Financé par l’Agence française de développement (AFD, partenaire du Monde Afrique), il est mis en œuvre notamment par l’ANPN autour de diverses composantes : la formation et l’appui aux équipes sur le terrain, la lutte contre le trafic d’ivoire dans la sous-région et, enfin, un volet scientifique d’étude des éléphants.

« Il s’agit de faire de la science avec un but de conservation, détaille M. Squarcini. Connaître les migrations saisonnières des éléphants et leur utilisation du territoire pour mieux les protéger, en mettant en place des stratégies de surveillance adaptée. Nous suivons leurs mouvements en fonction de la fructification des arbres, des périodes de rut, de leur fréquentation d’écosystèmes clés… Cela permet de mieux concentrer nos efforts de protection, alors que nos moyens humains sont malheureusement insuffisants sur un territoire ultra-forestier tel que le Gabon. »

Des éclaireurs pygmées

Il s’agit aussi, via les prélèvements effectués sur les excréments, les défenses et les carcasses, de « dresser une carte génétique des éléphants et des ivoires au Gabon ». Ce qui aide à remonter les filières des trafiquants, « parfois jusqu’en Asie ».

Une vingtaine de colliers ont déjà été posés en décembre 2017 par des vétérinaires sud-africains et gabonais dans les parcs de Mwagna et d’Ivindo (nord-est). Une nouvelle campagne débute courant février dans le parc voisin de Minkébé. Pendant quarante-cinq jours, l’équipe de l’ANPN va arpenter la forêt équatoriale, à raison de 20 km en moyenne par jour, dans des conditions éprouvantes. « Il leur faut poser entre un et deux colliers GPS par jour. C’est un exercice très dangereux, où nos hommes subissent des charges répétées des éléphants », précise M. Squarcini.

Un vétérinaire sud-africain, Peter Morkel, dirige l’opération, bien plus compliquée en forêt qu’en savane. L’équipe est constituée de cinq à sept hommes. Des éclaireurs pygmées en tête du cortège, Michel et Bébé, « deux magiciens qui savent lire les moindres détails de la forêt », pistent les éléphants. Une fois l’animal repéré, « Peter s’approche à environ dix mètres pour le flécher avec son fusil à air comprimé », en utilisant de l’éthorphine, un anesthésiant mille fois plus puissant que la morphine. « Une dose trop forte, on tue l’éléphant. Trop faible, il s’enfuit. D’où l’impératif de bien calibrer, souligne M. Squarcini. Quand il est touché, il faut aussi savoir prévoir et éviter une possible charge. »

« Alerte mortalité »

Dès que l’animal repose au sol, endormi, on s’assure qu’il reste en bonne santé, que sa trompe n’est pas immergée dans l’eau par exemple. La pose du collier (14 kg) dure une dizaine de minutes, pendant lesquelles toute l’équipe s’affaire autour du pachyderme. Chacun connaît son rôle : s’occuper de la trompe, installer le collier, procéder aux prélèvements des échantillons biologiques et des données morphologiques, etc. Puis l’équipe s’éloigne ou grimpe dans les arbres pour se mettre à l’abri : l’antidote est administré, « l’animal se réveille, un peu étourdi, comme après une bonne cuite », sourit M. Squarcini.

Le suivi GPS des éléphants se fait dans le discret « centre des opérations » de l’ANPN. En direct et sur grand écran, un pointage par satellite des colliers donne leur position toutes les heures. Une cartographie qui permet de suivre les déambulations de Junior, Boniface, Syndie, Kate, Zara… doux surnoms donnés à chacun des éléphants à collier, selon la fantaisie de leurs protecteurs. Des alertes se déclenchent si un éléphant s’approche trop près d’une zone habitée, une « alerte mortalité » quand le signal reste trop longtemps immobile, signe qu’il y a peut-être un problème et qu’une équipe doit être mobilisée sur le terrain.

Le Monde avec AFP

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