Fashion Week de New York: #MeToo et le «pussy power» sur le podium

DÉFILÉ La Fashion Week de New York a profité des défilés pour manifester sa solidarité avec le mouvement #MeToo avec un podium dédié aux victimes d’agressions sexuelles…

20 Minutes avec AFP
Huit mannequins ont pris le micro à tour de rôle, debout, chacune à côté d'un homme tout de noir vêtu, le visage sous un masque de cochon en référence à la campagne #balancetonporc à la Fashion Week de New York ce vendredi.
Huit mannequins ont pris le micro à tour de rôle, debout, chacune à côté d'un homme tout de noir vêtu, le visage sous un masque de cochon en référence à la campagne #balancetonporc à la Fashion Week de New York ce vendredi. — Bebeto Matthews/AP/SIPA

Une Fashion Week new-yorkaise dans la tempête de #MeToo. Après que les photographes Terry Richardson, Bruce Weber et Mario Testino ont été accusés d’agressions sexuelles lors de séances de prises de vues et que le mannequin Kate Upton a accusé le cofondateur de Guess, Paul Marciano, d’abus sexuels, le monde de la mode a profité des défilés pour manifester sa solidarité avec un mouvement qui le touche au cœur et essayé de bannir des pratiques qui empoisonnent le secteur depuis des années, mais qui n’avaient jamais été aussi exposées que depuis l'affaire Weinstein.

Des espaces « permettant aux mannequins de se changer à l’abri des regards »

Face à ces révélations, le CFDA​, syndicat américain de la mode, a diffusé de nouvelles recommandations aux professionnels du secteur. Il a appelé notamment les professionnels de la mode à choisir pour leurs défilés des espaces « permettant aux mannequins de se changer à l’abri des regards ». Et insiste pour que toute personne qui se sentirait menacée alerte la police ou des organisations comme l’association de défense des mannequins The Model Alliance, qui a fait de la lutte contre les agressions sexuelles une priorité.

Mi-janvier, le groupe d’édition Condé Nast, propriétaire des très influents magazines Vogue et Vanity Fair, avait déjà adopté des consignes pour éliminer les situations à risques des séances photo : accord préalable des mannequins avant toute nudité ou pose sexuellement suggestive, et plus aucun moment seuls avec un photographe ou un maquilleur dans les studios, d’où sont bannis l’alcool et la drogue.

Effet indirect de cette mobilisation : la maison Marchesa, codétenue par la femme d’Harvey Weinstein, Georgina Chapman, a annulé au dernier moment son défilé à New York, où elle avait pris régulièrement résidence depuis 2006. La Britannique est silencieuse depuis le début du scandale, sinon pour annoncer qu’elle quittait Harvey Weinstein avec lequel elle a eu deux enfants.


Depuis le début de la Fashion Week jeudi certains défilés ont fait référence au #MeToo et #TimesUp, comme Tom Ford avec ses sacs et chaussures marqués « Pussy Power ».


Un défilé témoignage sur les agressions sexuelles

Vendredi, huit jeunes femmes, toutes victimes de harcèlement ou d’agression sexuelle, ont profité de la Semaine de la mode de New York pour témoigner des abus subis, symbole d’une parole retrouvée et de l’impact du mouvement #MeToo aux Etats-Unis.


Pas de mannequin vedette ni de lieu prestigieux pour ce défilé très politique concocté par la Française Myriam Chalek, qui s’est fait connaître en organisant des présentations avec des personnes souvent marginalisées : personnes de petite taille l’an dernier à Dubaï, ou malvoyantes lors de la Semaine de la mode parisienne en 2016.

Les moyens étaient modestes : salle prêtée par un hôtel bon marché non loin de Times Square, avec du papier blanc déroulé à la va-vite sur la moquette en guise de podium.


Les vêtements n’avaient guère d’importance, le but était autre : faire témoigner des femmes. Après avoir marché sagement au milieu de quelque 200 invités, les huit mannequins ont pris le micro à tour de rôle, debout, chacune à côté d’un homme tout de noir vêtu, le visage sous un masque de cochon en référence à la campagne #balancetonporc.

En quelques minutes, elles ont raconté leur histoire, souvent vieille de plusieurs années, lorsqu’un ami de la famille, un petit ami ou un prédateur sur internet les a coincées et leur a fait subir harcèlement, attouchement ou viol, qui sur un campus universitaire, qui dans un jardin public ou chez un parent. Leur voix tremblait parfois.

« Je suis un peu secouée », a déclaré l’une d’elle, après avoir raconté en détail comment elle avait été violée par un flirt et comment elle n’avait pas osé en parler à sa mère pendant des semaines.

« Etre ici et parler de ça est tellement important. Je suis vraiment désolée d’avoir à dire “Me Too” mais je suis aussi heureuse qu’on fasse quelque chose, enfin », a-t-elle conclu, sous les applaudissements du public.

Après ces tragiques récits suivis d’un lourd silence, la styliste a estimé que son objectif était atteint. « Je ne dis pas que ce défilé va changer les choses du jour au lendemain mais j’ai l’espoir que vous allez quitter cette pièce et en parler, et que vous serez mieux informés ».

Avant le défilé, elle avait estimé que « si on arrive à faire sortir du silence (…) ne serait-ce qu’une seule femme, ce sera déjà une réussite ».