FEMMESLes associations d’aide aux victimes de violences sexuelles débordées

#MeToo: Débordées, les associations d’aide aux victimes de violences sexuelles interpellent l'Etat

FEMMESPlusieurs associations tirent la sonnette d’alarme : elles n’ont plus les moyens d’épauler les nombreuses femmes qui ont besoin d’aide…
Les mots Non au harcelement sont affiches dans le couloir du lycee Mandela a Nantes.
Les mots Non au harcelement sont affiches dans le couloir du lycee Mandela a Nantes. - SIPA
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

L'essentiel

  • Depuis l’affaire Weinstein, de plus en plus de femmes prennent la parole pour dénoncer, raconter, porte plainte.
  • Mais face à cette libération de la parole, les associations d’aide aux victimes de violences sexuelles ne peuvent plus faire face.
  • Les principales associations vont rencontrer Marlène Schiappa cette semaine, espérant obtenir davantage de moyens.

Ecouter, accompagner, conseiller, défendre. Les victimes de violences sexuelles se tournent en premier lieu vers des associations pour y recueillir un soutien, un numéro ou même voir leur dossier mené jusqu’au tribunal. Mais ces associations, submergées, n’ont aujourd’hui plus les moyens de répondre à l’afflux des demandes qui ont explosé depuis l’affaire Weinstein.

« Malgré des efforts intenses, on n’arrive plus à faire face »

La situation est si critique, que le 31 janvier, l’Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail (AVFT) a annoncé devoir fermer son écoute téléphonique.

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« Une mesure d’urgence, résume la déléguée générale de l’association, Marylin Baldeck. En tant que responsable, j’ai vu que ce n’était plus possible de continuer à tirer sur la corde. Toutes les salariées sont des militantes compétentes, qui font toujours passer l’intérêt des victimes avant le leur. Malgré des efforts intenses, on n’arrive plus à faire face. » Pourtant, les besoins sont toujours immenses. « Depuis la fermeture le 31 janvier, on est débordé de mails de femmes qui se replient sur cette voie-là », confie-t-elle.

L’affaire Weinstein, un déclencheur

L’onde de choc de l’affaire Weinstein a provoqué une libération de la parole. Les plaintes pour agression sexuelle ont augmenté de 31,5 % au dernier trimestre par rapport à 2016.

Dans les associations d’aide aux victimes, les conséquences ont été immédiates et très concrètes. « Après l’affaire Weinstein, on recevait dix appels de nouvelles victimes par jour alors qu’on en avait trois par semaine avant », résume la déléguée générale de l’AVFT. Un afflux qui ne s’est pas démenti depuis trois mois. « En janvier, l’accueil ressemblait à une salle des marchés, ça n’arrêtait pas de sonner », reprend-elle.

Un constat partagé par d’autres associations de victimes de violences sexuelles

« Je vois des femmes qui ont été victimes il y a très longtemps de viol, et qui arrivent à en parler maintenant, explique Emmanuelle Piet, présidente du Collectif féministe contre le viol* . Elles se disent "ces femmes courageuses ont parlé, pourquoi pas moi ?" »

« On a eu une augmentation de 30 % des appels depuis octobre… et encore, c’est du non-stop mais on ne peut pas répondre à tous les coups de fil, précise la présidente du collectif. Les écoutantes ont même fait du bénévolat ce week-end. Beaucoup de personnes nous disent que notre accueil téléphonique ne répond jamais. »

Chez France Victimes, fédération qui englobe 130 associations d’aide aux victimes d’infractions, les appels concernant des violences sexuelles ont bondi de 30 % entre octobre 2017 et le 31 janvier 2018 par rapport à l’année dernière. Mais cette fédération réussit, grâce au dévouement de ses salariés, à faire face.

Des conséquences dramatiques

Si l’explosion des demandes se vérifie partout, l’AVFT cumule les difficultés car « à la différence d’autres associations, on écoute, mais on instruit aussi des dossiers, ce qui peut prendre des jours ou des semaines pour un seul cas, reprend Marilyn Baldeck. Notre rôle, c’est de transformer des paroles de femmes en procédures judiciaires avec des preuves, des témoignages, une analyse juridique. »

Or quand ces victimes n’ont pas les moyens de rémunérer un avocat, « si le travail n’est pas fait par notre association, ces femmes n’ont pas accès à la justice », déplore la porte-parole. La fermeture de cette ligne téléphonique risque donc d’avoir des conséquences dramatiques… « J’ai déjà des exemples de ping-pong : on réoriente la victime vers l’inspection du travail… qui nous la renvoie. »

Besoin de plus de moyens

Pour faire face à l’afflux de sollicitations, plusieurs de ces associations interpellent donc l’État pour voir si les promesses seront suivies de moyens. Le collectif féministe contre le viol est en train de négocier une nouvelle convention… et espère une augmentation du budget de 40.000 euros pour pouvoir engager une ou deux écoutantes en plus.

L’AVFT avance une revendication similaire. « En 2016, on tirait déjà la langue, tranche la déléguée de l’AVFT. Si le président veut réellement faire du harcèlement sexuel une priorité, cela suppose un sursaut politique majeur pour que les associations, les services de l’État et le défenseur des droits puissent répondre à davantage de victimes. »

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Après douze ans sans un centime de plus pour l’écoute dans ces deux associations, l’espoir est immense. Marlène Schiappa a annoncé lundi 5 février avoir missionné des experts pour étudier les subventions aux associations qui luttent contre les violences sexistes et sexuelles. Emmanuelle Piet rencontrera la secrétaire d’État ce lundi 12 février, l’AVFT mercredi 14. « Pour nous, c’est un moment historique que l’Etat ne peut pas se permettre de rater, tranche Marilyn Baldeck. Il y a une énorme attente de la part des femmes en général et des victimes de violences sexuelles en particulier. Il ne faut pas que les plaintes supplémentaires se transforment en dossiers sans suite. Et ce n’est pas qu’une question de preuve, mais aussi de qualité d’enquête, donc de moyens et donc de volonté politique. »

* Collectif féministe contre le viol propose un numéro d’appel gratuit le 08 00 05 95 95.

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