Violences faites aux femmes : le Maroc se dote enfin d’une loi, mais ignore le viol conjugal

Elle est le fruit de plusieurs années de débats, mais ne va pas assez loin selon les mouvements féministes.

 Cette nouvelle loi marocaine incrimine pour la première fois « certains actes considérés comme des formes de harcèlement, d'agression, d'exploitation sexuelle ou de mauvais traitement ». (Illustration)
Cette nouvelle loi marocaine incrimine pour la première fois « certains actes considérés comme des formes de harcèlement, d'agression, d'exploitation sexuelle ou de mauvais traitement ». (Illustration) LP / Olivier Corsan

    «Grâce à Dieu!» Sur son compte Facebook, la ministre marocaine de la Famille, de la femme et de la solidarité, Bassima Hakkaoui, ne cache pas son soulagement de voir enfin aboutir le projet qui traîne depuis 2013 dans les couloirs du Parlement. Après des années de vifs débats, les élus marocain ont en effet définitivement adopté ce mercredi une loi contre les violences faites aux femmes, toutefois jugée insuffisante par les mouvements féministes.

    Cette nouvelle loi précise d'abord les actes de violences à l'encontre des femmes. Elle incrimine pour la première fois «certains actes considérés comme des formes de harcèlement, d'agression, d'exploitation sexuelle ou de mauvais traitement», selon une note de la ministre de la Famille issue du Parti justice et développement (PJD, islamiste) qui conduit la coalition gouvernementale.

    Le viol conjugal ignoré

    Le texte durcit également les sanctions pour certains cas et prévoit des «mécanismes pour prendre en charge les femmes victimes» de violences. Il «permettra au Maroc de disposer d'un texte juridique de référence et cohérent susceptible de garantir une meilleure protection des femmes contre toutes formes de violence», estime pour sa part l'agence de presse officielle MAP.

    Mais «le texte ne prend pas en compte les définitions internationales en matière de violences à l'égard des femmes. Le viol conjugal n'est par exemple pas puni», a réagi Nouzha Skalli, militante pour l'égalité des sexes et ex-ministre en charge des droits des femmes. Et de regretter : «Cette loi ne modifie que quelques articles du code pénal, alors que celui-ci reste fondamentalement basé sur des concepts obsolètes, comme l'atteinte à la pudeur publique ou la pénalisation des relations sexuelles hors mariage». La féministe dénonce ainsi «l'absence d'un esprit de consensus» dans l'élaboration du texte.

    Le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (Mali) a également regretté l'impunité du viol conjugal, se disant «consterné par la persistance au sein du Parlement de mentalités rétrogrades et misogynes».

    Un phénomène en progression

    Au Maroc, médias et ONG tirent régulièrement la sonnette d'alarme sur le fléau de la violence subie par les femmes, en particulier le harcèlement dont elles sont victimes dans l'espace public. Dans un pays qui se veut, selon le discours officiel, chantre d'un islam tolérant et où les femmes n'ont pas l'obligation de porter le voile, marcher seule dans la rue relève parfois du parcours de la combattante : remarques désobligeantes et insultes y sont fréquentes.

    Autre signe de raidissement social, les femmes en maillot de bain sont de plus en plus rares sur les plages du royaume.

    Ces dernières années, plusieurs cas d'agressions ont défrayé la chronique. Le sujet avait été remis au coeur du débat en août dernier avec une vidéo montrant une agression sexuelle collective contre une jeune femme dans un bus de Casablanca. Le gouvernement avait alors promis une «stratégie» pour lutter contre ce fléau.