La cybersexualité, quels risques pour les ados ?

Le numérique donne un accès illimité à la pornographie. Quel impact sur la vie intime des jeunes ? Le point avec Isabelle Asselin, gynécologue, spécialiste de la formation en éducation sexuelle.
Par la rédac
La cybersexualité, quels risques pour les ados ? iStock

Hyperconnectés, ils le sont tous : 81 % des 13-19 ans possèdent leur propre smartphone et passent près de quinze heures et onze minutes par semaine sur Internet (1), le plus souvent à l’abri du regard parental. « Cet objet est comme une extension du moi à un âge où l’ado cherche forcément des informations sur la sexualité », souligne Isabelle Asselin. Normal de s’interroger sur son corps, ses organes sexuels, ses capacités à séduire, à gérer ses sentiments, ses émotions et ses compétences à avoir des relations sexuelles. Normal aussi d’aller voir sur Internet, où tout est exposé, disponible, à portée de clic, d’autant qu’il y a une chose qui ne change pas : le sujet reste tabou dans les familles. Mais ce qu’ils vont trouver sur la Toile comporte des risques dont il faudrait leur parler.

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Des images subies

D’abord, les ados sont confrontés à la pornographie de plus en plus jeunes, en moyenne à 11 ans pour la première fois (2) ! Dans la grande majorité des cas, des images ou des vidéos choquantes se sont imposées à eux par hasard, par exemple lors de la consultation d’un site de streaming illégal. Ils sont alors face à des photos et à des vidéos qu’ils subissent. Il est important de leur dire qu’elles ne reflètent pas la réalité. Pour les plus jeunes, les plus sensibles, ou les plus ignorants, cette pornographie subie pourrait se révéler extrêmement traumatisante, anxiogène et culpabilisante. « Ils n’ont pas encore les moyens d’exercer un esprit critique qui les protégerait de ces images et vidéos parfois très crues », prévient Isabelle Asselin.

Une sexualité comme dans les films X

Ces images peuvent aussi devenir un exemple à suivre pour des ados qui prendraient l’habitude de les regarder. Selon l’Ifop, 48 % des garçons et 37 % des filles disent que les films X qu’ils ont vus ont participé à leur apprentissage de la sexualité et 44 % ayant eu des rapports sexuels ont déjà essayé de reproduire des pratiques vues dans ces films (3). « Pour les plus isolés affectivement et socialement, sans relais familiaux pour rétablir la réalité, cette vision du sexe, où les hommes dominent et les femmes subissent, favorise les violences sexistes et sexuelles, incite à ne pas se protéger ou encore pousse à adopter une sexualité dénuée de sentiments », souligne Isabelle Asselin. A noter aussi que le fait de passer son temps à « vivre » sa sexualité derrière un écran ne prépare pas vraiment à la rencontre « en direct » chargée d’émotions. « Ces jeunes ne vont pas être “outillés”, ajoute la spécialiste, pour apprendre à gérer une relation dans la réalité. »

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Une mise en scène active

Cela peut les conduire à une cybersexualité active : faire des « nudes », par exemple, c’est-à-dire envoyer des photos ou des vidéos de leurs corps dénudés et de leurs parties intimes, par textos ou par Snapchat, à son ou sa partenaire ou dans le but de trouver l’aventure d’un soir, sans imaginer les risques encourus. Ces images peuvent en effet leur échapper et se retrouver diffusées largement sur le web… « C’est une contamination virale qui part comme une traînée de poudre et peut avoir des conséquences désastreuses sur la vie scolaire, familiale et sociale des adolescents concernés », insiste Isabelle Asselin. Pour la spécialiste, ce phénomène, comme d’autres manières de nuire via les réseaux sociaux, est largement sous-estimé. En Ile-de-France, une lycéenne sur quatre déclare avoir été victime d’humiliation et de harcèlement en ligne, concernant notamment son apparence physique ou son comportement sexuel ou amoureux (4)/

A découvrir également : A 12 ans, ils font des nudes

1. Screen 360 et Ipsos. Junior Connect’2017.
2. Enquête Ennocence.
3. Les adolescents et le porno : vers une génération « YouPorn » ?.
4. Rapport relatif à l’éducation à la sexualité, Danielle Bousquet.

le 07/03/2018