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Santé

Au Pakistan, la télémédecine à la rescousse de la ruralité et des femmes médecins

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Contrôle de la vue d'une patiente dans un centre de télémédecine, le 20 octobre 2017 à Bilahi, au Pakistan
Contrôle de la vue d'une patiente dans un centre de télémédecine, le 20 octobre 2017 à Bilahi, au Pakistan
AFP - AAMIR QURESHI

Depuis son domicile de Karachi (Sud), Benish Ehsan prescrit des médicaments au petit Musab, 2 ans, originaire d'un village reculé 1.500 km plus au nord; au Pakistan, la télémédecine ne désenclave pas seulement les zones rurales, elle permet aussi aux femmes médecins d'exercer.

"Est-ce qu'il va aux toilettes? Les vomissements se sont-ils arrêtés ou non?", demande-t-elle à Mohammad Fayyaz, le père de Musab, via Skype. Puis elle conseille à la mère de lui faire manger davantage de fruits et légumes.

Internet a révolutionné l'accès aux soins à Bhosa Mansehra, village isolé de la province du Khyber-Pakhtunkhwa (KP), dans le nord-ouest du Pakistan.

Auparavant, Mohammad Fayyaz devait voyager pendant des heures avec son fils jusqu'aux grandes villes d'Abbottabad ou Peshawar, puis patienter encore longuement dans des hôpitaux congestionnés.

Désormais, il peut se rendre à la clinique privée Sehat de son village. Un premier examen pratiqué par une infirmière est envoyé via le net à une femme médecin, qui se sert ensuite du réseau pour s'entretenir avec le malade.

"Mon fils a juste pris une dose de ce médicament et il se sent déjà mieux", sourit un peu plus tard Mohammad Fayyaz. La consultation ne lui a coûté que 100 roupies (70 centimes d'euro), la plupart des frais étant pris en charge par des donateurs.

- 'Enorme gâchis' -

Une centre de télémédecine à Bilahi, au Pakistan, le 20 octobre 2017 (AFP - AAMIR QURESHI)
Une centre de télémédecine à Bilahi, au Pakistan, le 20 octobre 2017 (AFP - AAMIR QURESHI)

"C'est très important pour nous", opine Bibi Mehrunisa, une patiente, qui loue le côté "pratique" de la structure, dans un village où les femmes doivent marcher des kilomètres pour puiser de l'eau à la rivière et où les coupures d'électricité peuvent durer douze heures par jour.

Bibi Mehrunisa, le dos voûté et la voix faible, s'est rendue à la clinique pour des soucis d'estomac et des migraines chroniques. Elle apprécie particulièrement de pouvoir "expliquer facilement ses problèmes médicaux à des femmes médecins".

Car de l'autre côté de l'écran, pas un seul homme: "L'objectif était de ramener à l'emploi des femmes médecins qui avaient quitté la profession en raison de leur mariage ou de leur vie de famille", explique Raheel Tanvir, un représentant de Sehat Kahani, le fondateur de l'entreprise à l'origine du projet, qui compte quatorze cliniques de ce type dans le pays.

Le défi est de taille au Pakistan, pays de culture patriarcale où seules 17% des diplômées en médecine exercent, alors qu'elles composent 70% des promotions, selon le Pr Javed Akram, directeur-adjoint de l'hôpital d'Islamabad.

"C'est un énorme gâchis" pour le Pakistan, peste-t-il, alors que chaque aspirant médecin coûte environ 7.400 euros par an aux pouvoir publics, dans un pays n'investissant que 0,6 à 0,8% de son PIB dans la santé.

"Les femmes utilisent les études de médecine pour se marier. Car être femme médecin est très vendeur. Mais ensuite, on ne les laisse pas travailler car leurs propres enfants pourraient en souffrir", s'insurge le Pr Akram. Au final, ces femmes au foyer éduquées "ne rendent rien à leur pays" alors que celui-ci a tant investi en elles, dit-il.

La télémédecine, là encore, change la donne. Pendant qu'elle examine à distance le petit Musab, la Dr Benish Ehsan a son propre enfant assis sur ses genoux.

"Cela nous convient bien. Nous n'avons pas besoin de sortir et nous pouvons continuer de consulter depuis nos maisons", souligne-t-elle. "Nous profitons de notre vie de famille et nous pouvons aussi nous occuper de nos patients".

- Equipements modernes -

Un professionnel de santé filme la gorge d'une fillette dans un centre de télémédecine à Bilahi, au Pakistan, le 20 octobre 2017 (AFP - AAMIR QURESHI)
Un professionnel de santé filme la gorge d'une fillette dans un centre de télémédecine à Bilahi, au Pakistan, le 20 octobre 2017 (AFP - AAMIR QURESHI)

Le secteur public n'est pas en reste. A une heure de route de Bhosa Mansehra, le gouvernement provincial du KP, en partenariat avec un fournisseur internet, a construit un e-ilaj, ou e-centre de traitement, à Bilahi. L'objectif, là aussi, est de désenclaver un quasi-désert médical de quinze villages et 27.000 âmes.

Plus avancé technologiquement, l'e-ilaj permet au Dr Nadia Rasheed, basée à Islamabad, de voir en temps réel des examens réalisés par une infirmière.

"Les amygdales sont plus qu'enflées. Elle a besoin d'antibiotiques et de pulvérisations régulières (...) pendant sept jours", observe-t-elle depuis la capitale. Dans le cabinet de Bilahi, la petite Zehwish Azeem, 4 ans, est fiévreuse et tousse.

Depuis cinq ans, plus de 50.000 patients ont été traités dans des e-ilaj situés dans les provinces du Pendjab (Est), du Sindh (Sud), du KP (Nord-Ouest), ainsi que dans un village reculé au nord d'Islamabad, selon la Dr Rasheed.

"Ce système avec des équipements modernes aide vraiment les gens", se félicite Mian Badar Jan, un cadre de la clinique Bilahi.

Une machine à ultrasons a ainsi été installée, qui permet selon lui de limiter le nombre de fausses couches. Un équipement crucial dans un pays à très forte fécondité, qui détient le triste record du plus grand nombre de décès de nouveau-nés avant leur premier mois.

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