LECTURE - Le café suspendu a fait des petits. A Rouen, la librairie "Le Rêve de l'Escalier" donne corps à l'expression "la culture doit être accessible à tous", en laissant la possibilité à ses clients d'offrir un ouvrage à un inconnu. Michael Feron, le libraire à l'origine de cette initiative, s'est inspiré du célèbre concept du "café suspendu": lorsque les clients de brasseries payent pour plusieurs consommations d'avance, permettant ainsi à des personnes au faible revenu de profiter d'une boisson chaude offerte.
Si un livre neuf n'a pas le même prix qu'un café -même parisien, la librairie de Michael Feron, ou Monsieur Rêve comme il aime se faire surnommer, ne vend que des livres d'occasion. Ainsi, comme le raconte France Inter, en ajoutant deux à trois euros à son ticket de caisse (voire plus), l'acheteur peut permettre à un lecteur défavorisé de découvrir un ouvrage. A chaque don, le libraire ajoute un ticket à un fil tendu derrière la caisse, indiquant le nombre de "livres suspendus", ou "livre en attente" disponibles.
L'intérieur de la librairie "Le Rêve de l'Escalier".
Des bénéficiaires variés
"L'idée, c'est que les gens puissent participer à un geste solidaire comme avec les boîtes à livres ou le book-crossing (laisser des livres dans la nature pour permettre à quelqu'un d'autre de le trouver, NDLR)", explique au HuffPost Michael Feron. Avec pour leitmotiv "le partage et la curiosité", l'initiative est lancée il y a trois ans, sur la suggestion d'un ami qui mentionne les cafés suspendus.
"Ca a vite fait effet boule de neige! Des clients avec un panier à 8 euros vont laisser leur billet de 10 en demandant d'ajouter un livre en attente", se souvient-il. Il récolte au début près de 80 à 100 livres en attente par mois, et continue aujourd'hui à compter près d'une vingtaine chaque mois. Un succès qui repose notamment sur l'anonymat complet: donateurs comme bénéficiaires restent inconnus.
Si certains lecteurs désargentés n'hésitent pas à profiter des livre suspendus, le libraire aime aussi le proposer spontanément. "Ce n'est pas toujours facile de demander. Donc par exemple, si je vois une mère de famille qui va dire à ses enfants de ne pas acheter trop de livres, je leur donne un des suspendus", raconte-t-il. Il ne s'agit pas pour autant de se débarrasser ainsi des invendus. Le bouquiniste insiste pour que les bénéficiaires, qui vont "du SDF à l'étudiant", puissent choisir eux-mêmes les ouvrages offerts. Une belle surprise qui incite bien souvent ces même clients démunis à prendre l'habitude, plusieurs années après, de laisser quelques euros en plus.
Et si la Fnac s'y mettait ?
Si Monsieur Rêve est l'un des premiers libraires à laisser cette possibilité toute l'année à ses clients (certains libraires proposent parfois une opération similaire à l'occasion des fêtes de fin d'années), l'initiative a fait des émules.
"A partir du moment où j'ai parlé du concept sur les réseaux sociaux, on a commencé à me dire que d'autres libraires s'y mettaient aussi. J'en suis ravi, j'aimerai vraiment que l'idée se généralise aux grandes enseignes !", conclut-t-il.
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