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André-Joseph Bouglione : "Au cirque, les animaux sont condamnés à la prison à perpétuité"

André-Joseph Bouglione développe désormais un cirque écologique, contemporain et 100% humain.
André-Joseph Bouglione développe désormais un cirque écologique, contemporain et 100% humain. © Patrick Fouque
Interview Anne-Cécile Beaudoin

En mai 2017, André-Joseph Bouglione décidait d’arrêter les spectacles avec animaux. Le voici aujourd’hui sur le devant de la scène avec un livre qui appelle les circassiens à réinventer leur métier.

Paris Match : Votre récit confirme les dires des défenseurs des animaux : dans les cirques, la maltraitance existe…
André-Joseph Bouglione. Il ne s’agit pas de généraliser mais en France, il y a une multitude de petits cirques qui n’en sont pas. C’est une façade. Une couverture qui leur sert à cacher d’autres activités comme le trafic, la délinquance. Ce sont des voyous avec des arguments de mafieux. Ils n’ont aucune compétence, ni aucune idée de comment dresser un animal. Ils improvisent et la maltraitance est quotidienne. Quant aux « grands cirques », ils ne bronchent pas et préfèrent frapper les gens qui manifestent devant leur établissement contre l’exploitation des animaux. L’image du cirque est aujourd’hui pitoyable, nous devons faire le ménage dans notre métier.

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Vous expliquez également que les contrôles des services vétérinaires sont inexistants.
Moi j’en avais tous les deux ans et encore… La DDPP ne contrôle que le respect des normes, pas l’état des animaux, ni les conditions de dressage. Beaucoup de chapiteaux sont des professionnels de l’évitement. Ils font deux ou trois villes sous une enseigne, puis ils changent leurs affiches. Il n’y a pas d’identité propre. Ils sont sous le nez des enquêteurs qui les recherchent, mais ils ne portent plus le même nom. C’est l’anarchie absolue. Même l’Etat ne connaît pas le nombre exact de cirques en France. Pourtant, si la loi existante était appliquée, 80% des cirques français disparaîtraient. Il y a une tolérance très coupable de la part des autorités.

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Nous avons perdu les 3/4 de notre public

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Lorsque vous étiez dompteur, à quel moment comprenez-vous que vos animaux ne sont pas heureux ?
La prise de conscience s’est faite progressivement avec mon épouse, Sandrine. J'ai retrouvé un article de Libération, daté de 1999. Le journaliste m’interrogeait sur les castrations et les mutilations, comme l’ablation des griffes, que les animaux subissent dans les cirques. J’avais répondu que je leur prenais déjà leur liberté, je n’allais pas en plus leur ôter leur dignité ! J’ai aussi compris que certains comportements que je croyais normaux étaient en fait des signes de stress. Le léger balancement des éléphants quand ils sont à l’arrêt, par exemple. Pour moi, cela voulait dire qu’ils étaient détendus. Jusqu’au jour où un éthologue m’a expliqué qu’à l’état sauvage, les pachydermes ne le font jamais. Ce que je croyais être un signe de détente était en fait l’expression d’un mal-être, un trouble lié à l’enfermement. Au cirque, les animaux sont condamnés à la prison à perpétuité. Une fois que vous avez intégré ça, ce n’est plus possible de continuer.

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Votre livre, qui raconte votre histoire et vos nouvelles prises de positions en faveur des animaux, ressemble aussi à un manifeste pour rendre au cirque ses lettres de noblesse. 
La profession s’est dévoyée, elle a perdu tous ses repères. Dans les années cinquante, 30 millions de français allaient au cirque ; ils ne sont plus que 13 millions aujourd’hui. En 30 ans, et en tenant compte de l’accroissement de la population, nous avons perdu les ¾ de notre public. Le cirque est devenu tellement ringard qu’il va disparaître dans les prochaines années. Les circassiens refusent l’évolution de la société pour qui le bien-être animal fait partie des priorités. Le public est notre seul patron et on ne l’écoute plus. Mais je reste positif. De grands établissements comme le cirque Knie ont fait le choix d’anticiper et d’abandonner les spectacles avec animaux.

Où en êtes-vous de votre projet d’éco-cirque 100% humain prévu pour octobre prochain ?
On avance super bien. On est en phase de levée de fonds. Clowns, jongleurs, acrobates…, seront les rois du spectacle. Un village écologique où l’on pourra faire du shoping suivra le cirque, et des entreprises de technologies vertes présenteront leurs inventions. Nous aurons un chapiteau-éolienne et tout sera transporté en containers. Le voyage s’effectuera par train ou par voies fluviales afin de réduire notre impact. Une partie du chiffre d’affaires servira à financer la protection des animaux sauvages.

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« Contre l’exploitation animale. L’envers du décor : un ancien dompteur témoigne », par André-Joseph Bouglione, en collaboration avec Roger Lahana, Editions Tchou, 15 euros. Parution le 5 avril.

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