La peinture Algo est fabriquée près de Rennes, à partir d'algues bretonnes.
©Charlotte Hervot
Environnement

Une peinture écolo à base d’algues bretonnes

Près de Rennes, la société Algo fabrique de la peinture à partir d’algues récoltées en Bretagne et transformées sur place.

Utilisées en cosmétique et dans l’agroalimentaire, les algues bretonnes tapissent désormais nos intérieurs. Retraitées, broyées, calcinées, elles servent de base à une peinture écolo : la "Algo Paint", fabriquée à Vern-sur-Seiche, à quelques kilomètres de Rennes, en Ille-et-Vilaine. 

"Sortir de la chimie"

L’initiative revient à Lionel Bouillon, arrivé à la tête de l’entreprise Félor en 2000. Pour résister aux "grands groupes", la société, créée par sa belle-famille en 1970, cherche à diversifier ses activités. "En 2008, on parlait déjà de développement durable, constate-t-il. L’idée était de sortir notre industrie de la chimie du pétrole pour aller vers le végétal, d’aller chercher des matières premières renouvelables au plus près de nous et de produire la peinture la plus saine possible."

S’ils arrivent à fabriquer des cosmétiques à base d’algues, pourquoi on n'arriverait pas à fabriquer de la peinture ?"

L’idée finit par venir… sous la douche : "J’avais un shampoing Yves Rocher. Je me suis dit : s’ils arrivent à fabriquer des cosmétiques à base d’algues, pourquoi on n'arriverait pas à fabriquer de la peinture ?" L’entreprise familiale se rapproche alors de l’Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), de l’École nationale supérieure de chimie de Rennes (ENSCR) et du Centre d'étude et de valorisation des algues (Ceva). Le "projet Algo" devient collaboratif. 

Peintures au lait, à la bière…

Reste à fabriquer un produit "sans polluant", mais de qualité. Des peintures "naturelles" (à la bière, à la farine, au lait…) existent déjà. Lionel Bouillon reste dubitatif : "La peinture doit bien vieillir, résister à l’humidité…" Après des années de recherche, Félor lance la gamme Algo, composée de colza, d’algues rouges et d’algues brunes issues des côtes bretonnes. La peinture est d’origine végétale à 98 %, quand les peintures classiques contiennent "65 à 75% d'éléments d'origine pétrolière, relève le chef d’entreprise. On ne peut pas inscrire "100 %", il y a des conservateurs." 

Brevetée depuis 2012, la peinture Algo émet moins de 1 g/L de "composés organiques volatiles". Dix fois moins que la peinture standard, préservant ainsi la qualité de l’air. D’où l’intérêt pour les entreprises et collectivités. La peinture a servi à rénover des chambres d’enfants au CHU de Rennes ou des crèches de la métropole… 

Maxime Liebgott, l’un des deux techniciens chimistes de la société Algo, contrôle la qualité de la peinture à chaque étape de production.
©Charlotte Hervot

Aujourd’hui, trois ans après la création de la start-up Algo Paint, près de 10 tonnes de peinture sortent de l’usine chaque semaine. Non sans avoir passé une batterie de tests au laboratoire. "Une peinture met environ un jour à être fabriquée. À chaque étape de production, un échantillon arrive dans un gobelet au labo pour le contrôle qualité, détaille Maxime Liebgott, l’un des deux techniciens chimistes de la société. On vérifie l’application, la brillance, la viscosité…"

Le conditionnement est ensuite assuré par un Établissement et services d'aide par le travail (Esat) local. Une fois la peinture mise en pot – "dans un emballage écoresponsable, fabriqué à partir de 50 % de matière recyclée", dixit Lionel Bouillon –, la peinture est stockée et envoyée vers les enseignes de bricolage de la région, comme Leroy Merlin et Mr. Bricolage. Compter 21 € pour un pot couleur de 0,5 l sur le magasin en ligne.

Petit à petit, la peinture Algo, multiprimée (grand prix Entreprise et environnement du ministère de l’Écologie en 2014 ; prix Pierre Potier en 2016 ; lauréat des Trophées My Positive Impact en 2017…) gagne du terrain. En France, où la marque va intégrer tous les magasins Leroy Merlin d’ici le printemps, et à l’international. Sans communiquer sur les chiffres de l’entreprise, "rapport à la concurrence", Lionel Bouillon laisse tout de même entendre que "ça se développe bien, très très bien" et que deux autres projets devraient être finalisés avant l'été.