“Marokkiat”, la web-série coup-de-poing qui fait parler les Marocaines

Harcèlement de rue, homophobie, poids des carcans sociaux… Les “Marokkiates”, des Marocaines, face caméra et dans la rue, prennent la parole avec courage et exposent leur quotidien. Cette web-série signée Sonia Terrab est à visionner sur la page facebook de JawjabT, un incubateur marocain pour jeunes réalisatrices.

Par Pauline Vallée

Publié le 17 avril 2018 à 11h30

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 01h26

«<em>Un soir je rentrais chez moi, un homme est sorti d’un bar, complètement bourré, il m’a attrapé par le bras et m’a dit ‘Tu viens avec moi’ », « Si quelqu’un voit que tu utilises Tinder, tu es considérée comme une chasseuse d’hommes, une fille sale »...

Elles s’appellent Rihab, Selma, Fatma, sont étudiante ou vendeuse, retraitée, voilée, tatouée, bisexuelle. Aucune ne se ressemble, et pourtant toutes ont quelque chose à raconter. Devant la caméra de Sonia Terrab, à Casablanca, ces femmes lambdas livrent un peu de leur histoire, au beau milieu de la rue, dans des pastilles de moins d’une minute. Le ton est cru, vif, spontané. Incroyablement rafraîchissant.

« Je ne sais pas ce que c’est que ‘d’être une femme’. Je n’ai jamais compris, par exemple, qu’on me demande ce que c’était que d’écrire au féminin », explique Sonia. La trentenaire, écrivaine et réalisatrice de Shakespeare El Bidaoui, ne se revendique ni militante ni féministe. Pourtant, quand on lui propose de devenir la marraine de JawjabT, incubateur marocain dédié aux jeunes réalisatrices, elle n’hésite pas à s’emparer des questions qui lui tiennent à cœur. Comment définir le féminin ? Sur quelles expériences intimes se construit notre identité ? Inspiré du projet Humans of New York, chaque épisode de Marokkiat est une pépite, brute et coup-de-poing, où la parole se déverse, se bouscule, se libère, presque dans l’urgence. 

Sonia Terrab a tenu à déplacer l’exercice du portrait dans la rue, une rue authentique avec « ses murs sales, des poubelles, un mec qui passe », pour permettre aux femmes de se réapproprier un espace qu’elles cherchent en général à fuir. « La rue ne nous appartient pas. On marche très vite, tête baissée, on se dépêche de rentrer dans des taxis, pour ne pas se faire harceler. » Pour la réalisatrice, l’espace public devrait cependant rester un espace privilégié de dialogue et d’ouverture à l’autre. Dans son documentaire Shakespeare El Bidaoui, elle capturait les échanges entre les passants et une troupe de théâtre amateur. Une volonté d’interpeller que l’on retrouve, intacte, dans les témoignages des « Marokkiates ».

Les douze épisodes de la série, publiés sur Facebook, ont cumulé plus de 6 millions de vues, ouvrant une brèche dans laquelle des milliers de Marocaines se sont engouffrées. « J’ai reçu des dizaines et des dizaines de messages, raconte Sonia, des messages de soutien, mais aussi de femmes qui voulaient devenir des Marokkiates ». Le succès de cette première saison lui ouvre un éventail de possibilités : une saison 2, peut-être un spin-off avec des portraits masculins, et puis aussi un film. Un film documentaire, dans lequel elle aimerait suivre Ghislane, Salima et Rihab, les trois « héroïnes du quotidien » qui l’ont le plus marquée. « Le plus important, c’est de sortir des clichés. On parle toujours de corruption, de pauvreté… mais là on donne à voir une jeunesse lumineuse. Beaucoup de Marocains, même des personnes qui vivent à l’étranger, m’ont dit ‘Merci, tu m’as redonné de l’espoir’. »

 

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