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Les femmes à l’assaut des élections américaines

En réaction à la présidence de Donald Trump, les femmes sont deux fois plus nombreuses cette année à briguer les élections de mi-mandat

Des pancartes devant la Maison-Blanche peu après la 2e Marche des femmes, le 20 janvier 2018. — © Reuters
Des pancartes devant la Maison-Blanche peu après la 2e Marche des femmes, le 20 janvier 2018. — © Reuters

C’est à Donald Trump que l’on doit ce phénomène. Du moins, en grande partie. Cette année, les Américaines sont deux fois plus nombreuses qu’en 2016 à se lancer dans la course électorale pour avoir un siège au Congrès. Et elles sont de plus en plus jeunes.

Le 6 novembre, l’ensemble des 435 sièges de la Chambre des représentants seront renouvelés ainsi qu’un tiers des 100 sièges du Sénat. Ces élections donnent des ailes aux femmes démocrates en particulier. Selon le dernier décompte du Centre pour les femmes et la politique de l’Université de Rutgers (New Jersey), 494 femmes devraient briguer en 2018 un poste au Congrès, dont 54 au Sénat, soit deux fois plus que lors des élections de 2016. Elles étaient alors 212, avec 26 femmes qui visaient un poste de sénatrice. Sur ces 494 femmes, 364 sont démocrates et 130 républicaines.

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Du jamais-vu

Une bonne partie des candidates ont décidé d’entrer dans l’arène politique en réaction aux propos sexistes du président américain, par ailleurs accusé de comportements déplacés envers plusieurs femmes et en pleine tourmente avec l’«affaire Stormy Daniels», pseudo d’une star du X. Elles veulent aussi défendre les droits des femmes qu’elles estiment menacés par l’administration Trump. Le mouvement #MeToo, déclenché par les accusations de harcèlement et de viols contre le producteur Harvey Weinstein, ainsi que la grande Marche des femmes sur Washington, au lendemain de l’investiture de Donald Trump, ont fonctionné comme tremplin.

Une augmentation aussi marquée du nombre de candidates relève du jamais-vu. Les femmes veulent jouer un rôle plus actif en politique, un nouvel engouement qui réjouit Patti Russo, la directrice de la Women’s Campaign School, un institut de l’Université Yale spécialisé dans la formation politique des femmes. «Bien que les femmes démocrates soient celles qui viennent le plus vers nous, nous constatons aussi une hausse chez les républicaines, souligne-t-elle. Et le nombre de femmes qui briguent le poste de gouverneur a lui aussi augmenté. Elles sont actuellement 44 à s’être mises sur les rangs.» Des femmes l’ont même appelée après le discours sur l’état de l’Union prononcé en janvier dernier par Donald Trump, vers 23 heures. Que faire de toute cette énergie? Son institut propose des formations politiques, de plus en plus prisées. «C’est le cas depuis l’élection de 2016 et cela continue maintenant, confirme Patti Russo. Les femmes «feront» les élections de mi-mandat. C’est exaltant de pouvoir faire partie de ce nouvel engouement et de ce leadership des femmes. C’est important pour notre pays et pour le monde.»

Elles ne sont que 19,8% au Congrès

Aujourd’hui, les femmes ne représentent que 19,8% des 535 élus au Congrès américain. 78 sont démocrates, 28 républicaines. Selon le classement mondial des femmes dans les parlements nationaux établi par l’Union interparlementaire, c’est un plutôt piètre résultat. Les Etats-Unis ne se hissent qu’en 102e position, alors que la Suisse occupe la 37e place avec un taux de 23,7% (24,3% selon les chiffres du parlement fédéral). C’est le Rwanda qui reste sur la première marche du podium avec un taux de près de 50% (59 femmes pour 106 sièges), devant la Bolivie, Cuba et la Namibie. Sur les 50 gouverneurs des Etats américains, seules six sont des femmes.

La photographe Fontaine Pearson, une des co-organisatrices de la grande Marche des femmes, fait partie de celles qui craignent que la misogynie couplée au racisme et aux convictions religieuses conservatrices qui s’étaient déjà exprimés pendant la campagne présidentielle ne fassent reculer la lutte des femmes en faveur de l’équité et de la parité. «Trump a su exploiter des injustices systémiques que nous ne sommes jamais parvenues à rectifier, dit-elle. Nous avons en permanence cherché à refermer des plaies infectées, sans voir le problème en face.»

L’élection de Donald Trump, une bénédiction

Fontaine Pearson a tout ce que représente Donald Trump en horreur et ne s’en cache pas. Mais, commente-t-elle, «son élection est ironiquement peut-être une des meilleures choses qui pouvait nous arriver». Les femmes, qui étaient tout de même 42% à voter en faveur de Donald Trump contre 54% pour Hillary Clinton, ont fini par se réveiller. L’élection de Donald Trump a fonctionné comme une sorte d’électrochoc. Après la Marche, plusieurs associations se sont créées pour aider, former et accompagner de futures candidates. D’ailleurs, Fontaine Pearson en est persuadée, la mobilisation inédite de jeunes rescapés de fusillades pour un meilleur contrôle des armes s’est inspirée de celle des femmes. Une manière de dire que la Women’s March organisée au lendemain de la prestation de serment de Donald Trump pour défendre les minorités a des répercussions au-delà de toute espérance.

Changement de majorité?

Renverser la vapeur: c’est le but que se donnent les démocrates pour les élections de mi-mandat de novembre, alors qu’ils sont aujourd’hui minoritaires dans les deux chambres du Congrès. Or ils peinent toujours à se remettre de la défaite d’Hillary Clinton, et les personnalités fortes capables de s’imposer contre Donald Trump en 2020 ne sont pas légion. Mais les républicains ne sont pas dans la meilleure des configurations non plus. Le départ annoncé du speaker Paul Ryan, le président de la Chambre des représentants, est un coup dur pour le Grand Old Party (GOP).

Paul Ryan est le républicain le plus puissant du Congrès, celui qui était censé servir de locomotive. Le numéro trois de la politique américaine après le président et le vice-président. Or, comme une quarantaine d’autres élus républicains à la Chambre des représentants, il vient d’annoncer qu’il ne briguerait pas de nouveau mandat, après plus de vingt ans à la Chambre.

Un épuisement

Il prendra sa retraite en janvier. Officiellement, pour profiter davantage de ses trois enfants. Mais Paul Ryan, parfois représenté comme le «petit chien» de Donald Trump, n’a pas toujours vécu une lune de miel avec le président américain, et s’épuise probablement à tenter de le canaliser. Il s’est publiquement distancé de lui à plusieurs reprises ces derniers temps. Le parti républicain reste déchiré entre ultra-conservateurs du Tea Party et modérés, et le départ de Paul Ryan pourrait bien renforcer le courant trumpiste. Surtout, avec cette vague de défections, les républicains, qui contrôlent la Chambre des représentants depuis 2011, tremblent toujours plus à l’idée de perdre la majorité. Ce serait le cas si les démocrates parviennent à grappiller 24 sièges supplémentaires.

Vendredi, surprise, le Parti démocrate a décidé de porter plainte contre l’équipe de campagne de Donald Trump ainsi que la Russie et WikiLeaks, accusés d’ingérence dans la présidentielle américaine. Un acte que des observateurs de la politique américaine qualifient de suicide politique. La présidente du Parti républicain, Ronna McDaniel, a très vite répliqué en dénonçant sur Twitter cet «effort désespéré d’un parti en faillite qui tente encore de se remettre du fait que leur candidate a perdu l’élection de 2016».