JEU VIDÉO - Et si on répondait avec humour au sexisme du quotidien? Publicités hypersexualisées, tags insultants... l'espace public continue d'être le lieu où s'exprime le sexisme au quotidien. C'est avec ce constat en tête qu'Alice et Hélène, les deux jeunes femmes derrière le collectif D.I.Y.K.E (jeu de mot avec "DIY", le fait main, et "dyke", insulte anglaise désignant une lesbienne) ont lancé lundi 23 avril, un mini-jeu vidéo gratuit, intitulé "Dykie Street".
On y incarne Dykie, jeune femme ayant décidé de se révolter contre le sexisme environnant sur son chemin. Le joueur aura l'opportunité de détourner des tags indiquant "PD" (en "Fier d'être PD"), ou "Pute" ("Pute si je veux"), mais aussi de protester contre les publicités sexistes à l'aide de stickers, de diffuser des affiches relayant un message positif... Tout en discutant avec des amis de Dykie, qui rappellent que la multiplication de ces messages constitue un vrai contexte de sexisme ambiant.
"On veut faire comprendre qu'un tag, c'est déjà une forme de violence, explique Alice, co-créatrice du jeu vidéo, au HuffPost. Et montrer qu'il est possible d'avoir des réactions non-violentes pour retourner le stigma, et d'y réfléchir de manière positive", continue la doctorante de 32 ans, qui voit Dykie Street comme le pendant pacifique du jeu "Hey Baby", qui proposait de se défendre physiquement contre le harcèlement de rue.
C'est dans cette optique, et celle de "créer de petits outils ludiques facile à diffuser pour parler féminisme, homophobie, ou transophobie" qu'elle et Hélène, graphiste habituée à détourner les stéréotypes, vont lancer D.I.Y.K.E au début de l'année 2018. Le déclic se fait après un atelier pour apprendre à maîtriser le logiciel de jeu vidéo rétro Piko8. Une "activité du dimanche" qui résonne avec leur fibre de militante anti-homophobie, et Dykie Street naît après quelques mois et une centaine d'heures de travail en plus de leurs activités professionnelles.
Volonté pédagogique
Sur Facebook, le collectif se décrit comme "groupe de création et de partage d'outils féministes dans le domaine des jeux vidéos", mais Alice précise que leur prochain projet tout aussi bien être "un jeu de société", auquel les deux jeunes femmes commencent à réfléchir. Leur volonté est avant tout pédagogique, pour sensibiliser au "continuum du sexisme", qui passe notamment par le matraquage de messages sexistes au quotidien.
Si le jeu vidéo s'adresse tout d'abord aux personnes déjà sensibilisées aux problèmes qu'il soulève, le collectif espère surtout toucher une nouvelle cible: les adolescents. "On aimerait vraiment pouvoir le présenter dans un contexte différent, dans des collèges ou lycées par exemple", confie Alice, qui a déjà donné des cours d'éducation sexuelle dans ce cadre. "Je sais qu'en parlant leur langage, le public sera réactif", continue-t-elle, en espérant être contactée par des établissements scolaires intéressés par leur démarche.
Bousculer une industrie sexiste
Enfin, Alice et Hélène n'ignorent pas qu'elles envoient un message fort en créant un jeu vidéo féministe dans un milieu dominé par les hommes et pas épargné par le sexisme. "C'est un vrai enjeu, car les femmes sont généralement absentes des jeux vidéo, si elles ne sont pas hypersexualisées, c'est un monde d'hommes qui s'adresse aux hommes", souligne Alice.
Raison de plus pour que Dykie et ses amis soient des personnages les plus neutres possible. "On a voulu prendre à bras-le-corps l'enjeu de la représentation du corps et des identités dans le jeu vidéo. C'est pour cela que nous avons veillé à ne pas trop 'genrer' les personnages, et à faire en sorte que ce soit des personnes non-blanches", explique la jeune femme.
Les co-créatrices de D.I.Y.K.E avouent se préparer à l'éventualité de retours négatifs voire violents de la part de "gamers", dans un contexte où le cyber-harcèlement envers des femmes ayant un discours féministe revient régulièrement. Une menace qui ne fait pas peur à Alice et Hélène, pour lesquelle le nom même du collectif est une manière de se réapproprier l'insulte "gouine" et d'en faire une force.
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