Contraception : où sont les hommes ?

Contraception masculine : tout savoir
Qu’elles soient célibataires ou en couple, les femmes assument dans l’immense majorité à elles seules le contrôle des naissances, toutes méthodes de contraception confondues. Les mentalités sont-elles prêtes à évoluer, à l’heure où une pilule masculine pourrait bientôt arriver sur le marché ?

Pilule, stérilet, anneau, patch ou implant contraceptif… La charge mentale de la contraception revient aujourd’hui principalement aux femmes.

Les rendez-vous médicaux réguliers pour le suivi ou le renouvèlement de la prescription, les prises de sang à effectuer et les effets secondaires éventuels (prise de poids, acné, saignements intempestifs,…) leur incombent en totalité. Sans compter le coût des traitements, pas toujours remboursés, et la nécessité d’avoir perpétuellement les yeux rivés sur sa montre ou son calendrier pour respecter les heures de prise de pilule ou les jours de retrait de l’anneau.

Cinquante ans après la loi Neuwirth autorisant la pilule en France, symbole de la libération des femmes à la fin des années 1960, il est temps aujourd’hui d’envisager que les hommes puissent aussi prendre le relai. Les freins psychologiques et culturels sont-ils en passe d’être levés ?

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La pilule pour homme peut-être bientôt réalité

Le principe d’une contraception hormonale masculine n’est pas nouveau. Il a été testé dès 1979 à l’hôpital Bicêtre. Pour bloquer la production des spermatozoïdes, le traitement reposait alors sur la combinaison d’un progestatif administré par voie orale et d’un dérivé de testostérone sous forme de gel à étaler sur la peau. Selon le Dr Jean-Claude Soufir, ancien responsable de l’unité d’andrologie de l’hôpital Bicêtre, les résultats s’étaient révélés satisfaisants sur les patients traités.

Mais aucun laboratoire pharmaceutique n’a jugé bon à cette époque d’investir dans ce projet ! D’autres équipes médicales ont essayé de développer une contraception pour homme par injection hebdomadaire d’hormones, mais peu de volontaires se sont pressés au portillon.

Aucun laboratoire pharmaceutique n’a jugé bon à cette époque d’investir dans ce projet

Autre alternative : dimanche 24 mars 2019, lors de la convention de l'Endocrine Society, des scientifiques ont présenté les effets de la pilule "11-béta-méthyl-19-nortestostérone dodécylcarbonate".

Des tests effectués sur un panel de 40 hommes, âgés de 18 à 50 ans, ont montré que cette nouvelle pilule  pourrait avoir plusieurs bénéfices : peu d'effets secondaires, une action réversible à l'arrêt de la pilule et une action directe sur la testostérone. En effet, "cette pilule masculine signale au cerveau que les niveaux de testostérone sont adéquats, ce qui inhibe les voies conduisant à la production de sperme. Cette nouvelle pilule imite les effets de la testostérone, limitant ses effets secondaires". La pilule masculine signale au cerveau que les niveaux de testostérone sont adéquats, ce qui inhibe les voies conduisant à la production de sperme.

Cette nouvelle pilule imite les effets de la testostérone, limitant ses effets secondaires, selon Christina Wang, du LA BioMed interrogée par CNN. Mais les scientifiques ne prévoient pas de sortie sur le marché avant une dizaine d'années, le temps de faire des tests sur de plus longues périodes. 

Une autre piste, présentée l'année précédente au congrès américain d’endocrinologie, semble changer la donne. Baptisée DMAU (pour diméthandrolone undécanoate), elle consiste en un comprimé unique qui recèle les deux hormones, diluées dans de l’huile de ricin. Un essai clinique mené à l’Université de Washington a montré son efficacité après 28 jours de prise et l’absence d’effets secondaires notables. Seuls un léger gain de poids, quelques boutons d’acné et une petite baisse du taux de bon cholestérol sanguin (HDL cholestérol) ont été observés. Des symptômes proches de ceux ressentis par les femmes prenant la pilule. Rien de dramatique, donc.

D’autres expérimentations prometteuses, articulées sur l’injection d’hormones, sont également en cours. Bien que ces pilules pour hommes doivent faire l’objet d’études à plus long terme avant d’être commercialisées, leur arrivée semble cette fois-ci en bonne voie.

Assumer son désir de non-paternité

91% de la gent masculine prétend que la contraception est autant une affaire d’homme que de femme, selon un sondage du CSA pour TerraFemina (2012). Mais dans la réalité, beaucoup d'hommes trouvent normal de ne pas en avoir la charge. Question d’habitude peut-être. "Depuis l’arrivée de la pilule, les hommes se sont déchargés de ce fardeau", remarque Antoine Spath, psychothérapeute et sexologue, auteur de Déjouer les pièges des manipulateurs et des pervers narcissiques (éd. Leduc.s Pratique). "

"Ma compagne gère très bien sa contraception, confie en effet David, 32 ans. Je ne vois pas pourquoi j’irai me mêler de cette chose si intime qui concerne avant tout son corps, et non le mien". Léo est encore plus franc : "il n’est pas question que je me gave d’hormones". Mais que sa copine le fasse ne semble pas l’émouvoir plus que ça.

Quelques hommes aimeraient toutefois pouvoir ne pas se retrouver devant le fait accompli : "je pensais que mon amie prenait la pilule mais elle est tombée enceinte et a voulu le garder, se souvient Paul avec amertume. Si je m’étais davantage intéressé à la contraception de notre couple, elle ne m’aurait pas fait un enfant dans le dos".

Ma compagne gère très bien sa contraception. Je ne vois pas pourquoi j’irai me mêler de cette chose si intime.

Bien qu’aucune pilule pour homme ne soit déjà disponible en pharmacie, des solutions autres que le préservatif existent. Mais force est de constater qu’elles font peu d’adeptes en France. La contraception thermique – par slip chauffant – est proposée à l’hôpital de Toulouse. Mais la demande reste faible. Et depuis 2001, la vasectomie (ou stérilisation masculine) est autorisée dans l’Hexagone. L’intervention ne dure que 20 minutes et n’engendre pas d’effets indésirables. Seuls les spermatozoïdes sont privés de sortie. Mais notre culture latine nous colle à la peau. Encore peu de Français y ont recours alors que 500 000 vasectomies sont pratiquées chaque année aux Etats-Unis. 16% des couples américains y ont ainsi recours une fois leur famille constituée.

"Dans notre société empreinte de culture latine, les stéréotypes imposés à chaque sexe ont la vie dure, note Antoine Spath. Beaucoup d’hommes seraient sans doute prêts à inverser la donne mais il y a un déficit d’informations. Les médecins ne présentent presque jamais les alternatives masculines à la contraception féminine".

Des peurs masculines irrationnelles

En perdant leur fertilité, les hommes redoutent de perdre leur virilité. "Cela réveille la peur de la castration. La crainte de l’impuissance", ajoute Antoine Spath. Pourtant, ni la vasectomie ni cette future pilule ne semblent perturber l’érection. Cyril, 48 ans, s’est fait vasectomisé. Père de 3 enfants, il ne voulait plus prendre le risque d’en avoir d’autres, d’autant que les jeunes femmes qu’il courtise lui mettent souvent la pression pour devenir mère. "Au moins le débat est tranché, affirme-t-il. Je suis sûr de ne pas me retrouver avec un enfant non désiré sur le tard et qu’on me prenne pour son grand-père. Mais côté sexualité, rien n’a changé. Au contraire, ne plus avoir cette épée de Damoclès au-dessus de ma tête m’a totalement libéré."

Cela réveille la peur de la castration. La crainte de l’impuissance.

À l’inverse, Jean-Marc a passé le cap pour décharger sa femme. "Elle a pris la pilule pendant des années, puis s’est fait poser un stérilet qu’elle a mal supporté, raconte-t-il. Il m’a donc semblé normal de prendre le relai car la contraception est une question de couple. J’ai subi une vasectomie et je ne le regrette pas, même si mon entourage m’a traité de fou. Si une pilule pour homme avait existé, j’aurais bien sûr choisi cette option."

Les femmes prêtes à déléguer ?

Partager les tâches domestiques est une chose, partager la contraception en est une autre. "La contraception impose une attention et un comptage permanent des cycles et des horaires. C’est une contrainte importante qui pèse sur les femmes car prendre un comprimé tous les jours est très contraignant, surtout pour les pilules microdosées qui doivent être prises à heure fixe", signale la Dre Aurélia Schneider, psychiatre, auteure du livre La charge mentale des femmes (éd. Larousse).

Nombre de femmes pourraient alléger leur charge mentale en déléguant la contraception à leur compagnon. Mais cela exige une confiance absolue car "cette charge permet le contrôle, remarque la Dre Schneider. Si on lâche la contraception, on lâche le contrôle."

Pour Clémentine, cette éventualité n'est pas envisageable : "Si mon mari oubliait de prendre sa pilule, c’est moi qui me retrouverait enceinte et devrait subir une IVG". En revanche, Amélie serait tentée par l’aventure : "Je n’en peux plus de tout assumer. Mon compagnon fait les courses et s’occupe de son linge, mais c’est moi qui organise la vie domestique, gère les invitations, le planning des enfants, etc… Ne pas me soucier de la contraception serait déjà un poids en moins."

"En matière de médicaments, les hommes ne sont pas moins attentifs et observants que les femmes, constate Aurélia Schneider. S’ils étaient davantage impliqués dans la contraception, il n’y a pas de raison qu’ils oublient de prendre leur pilule. Pour les couples stables, au sein desquels existe une vraie confiance mutuelle, la pilule masculine serait une belle opportunité pour que les femmes se libèrent d’une partie de leur charge mentale." De quoi faire un pas de plus vers l'égalité homme-femme.

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