Au Soudan du Sud, 65% des femmes ont subi des violences

En partenariat avec The European Commission
Au Soudan du Sud, 65% des femmes ont subi des violences
Tous droits réservés Monica Pinna
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Par Monica PinnaStéphanie Lafourcatère
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Comment aider les femmes victimes de violences et tenter de réduire le nombre de cas dans un pays déchiré par la guerre ? C'est ce que nous découvrons dans cette édition d'Aid Zone, aux côtés des humanitaires notamment européens, dans le plus grand camp de déplacés du Soudan du Sud.

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La guerre civile au Soudan du Sud est entrée dans sa cinquième année. Le pays a obtenu son indépendance du Soudan en 2011. Depuis le début du conflit en 2013, près de deux millions et demi de Sud-Soudanais se sont réfugiés dans les pays voisins auxquels s'ajoutent autant de déplacés internes. Sept millions d'habitants - près des deux tiers de la population - pourraient connaître une grave insécurité alimentaire dans les mois qui viennent.

Dans cette édition d'Aid Zone, nous nous rendons à Bentiu. La capitale de l'Etat d'Unité a vécu certains des combats les plus violents depuis le début de la guerre civile au Soudan du Sud.

Récemment, les tensions ont encore gagné en intensité poussant de plus en plus de Sud-Soudanais à se présenter dans le "Camp de protection des civils" dans lequel nous pénétrons. C'est celui dans le pays qui accueille le plus de déplacés internes : quelque 120.000 personnes.

La majorité des femmes qui arrivent sur place ont subi harcèlement et violence. Le viol est devenu une arme de guerre.

"On était beaucoup de femmes près de la rivière, des criminels sont arrivés et ils ont choisi sept d'entre nous, ils nous ont emmenées dans la forêt," témoigne une victime anonymement. "Après, on savait toutes sans se le dire qu'on avait été violées, on s'est réconfortées les unes les autres, on s'est dit que ça arrive tout le temps quand c'est la guerre : on sait bien que si on n'est pas violées le jour même, ça nous arrive le lendemain," souligne-t-elle.

"Une situation quasiment épidémique" pour l'UNICEF

65% des Sud-Soudanaises ont été la cible d'agressions sexuelles ou physiques : c'est deux fois plus que la moyenne mondiale. Une situation alarmante d'après l'UNICEF qui joue un rôle de premier plan dans la prévention de ce type de violences et dans la réponse apportée aux victimes.

"Le nombre de violences sexuelles à l'égard des femmes est monté crescendo depuis 2013 et on est maintenant sur une situation qui est quasiment épidémique où l'on a des agressions constantes à l'égard des femmes sur le terrain : la situation empire de jour en jour," indique Mustapha Ben Messaoud, chef du bureau de Bentiu pour l'UNICEF.

L'ONG International Rescue Committee (IRC), avec le soutien de l'UNICEF et du service de la Commission européenne à l'aide humanitaire, gère quatre Centres pour femmes dans le camp, ainsi que deux à l'extérieur. Sur place, les femmes trouvent protection, formation et assistance.

"Plus de la moitié des femmes qui sont dans le camp ont été violées, ont subi des violences sexuelles, que ce soit dans le camp, à l'extérieur ou sur la route du camp," fait remarquer Rachel Nyanquoi Jackson, directrice de programme à l'IRC. "On leur apporte un soutien psychologique, on les informe sur les conséquences des violences, en particulier des agressions sexuelles et sur la nécessité d'être prise en charge au plan médical," précise-t-elle.

Agressées en allant chercher du bois

Être accueillie dans le camp ne garantit pas une totale protection. Chaque centre recense par semaine, une vingtaine de viols et une quinzaine d'agressions physiques. Une tâche quotidienne comme d'aller chercher du bois fait partie des activités les plus risquées. C'est ce qui a conduit l'ONG Nonviolent Peaceforce à mettre en place des contrôles quotidiens autour du camp depuis trois ans.

"On surveille ce qui se passe en discutant avec les femmes quand elles reviennent de leur cueillette de bois ou de canne : c'est comme cela qu'on a plus d'informations sur la situation au niveau de la sécurité," explique Rungano Bakasa, représentante de l'ONG. "On transmet aussi les renseignements qu'elles nous donnent pour voir ce qu'on peut faire pour mieux les protéger," poursuit-elle.

Cette association, soutenue par l'UNICEF et l'Union européenne, oriente les victimes vers l'hôpital et les centres de femmes.

La prévention est une tâche plus ardue : les agressions restent fréquentes. Mère de famille, Nyakuor Roam a été violée l'an dernier en allant chercher du bois. "Des hommes sont venus, toutes les autres femmes sont parties, mais moi, je n'avais plus le temps de m'enfuir et ils m'ont attrapée," raconte-t-elle avant d'ajouter : "Chaque fois que je sors, je suis morte de peur, ça peut encore m'arriver ; mais je n'ai pas le choix, je dois y aller pour mes enfants."

"Appel à l'action" international

Des donateurs comme le service européen à l'aide humanitaire cherchent comment mieux lutter contre ce type de violences en temps de guerre. C'est pour cela que l'Union européenne mène l'initiative "Appel à l'action en matière de protection contre les violences fondées sur le genre en contexte d'urgence."

"C'est une initiative mondiale qui réunit plus de 70 membres sous le leadership de l'Union européenne," rappelle Bart Witteveen du service de l'UE à l'aide humanitaire. "Grâce elle, on essaie de promouvoir un engagement plus vaste en termes de réponse humanitaire et on s'assure que ce soit acquis que les acteurs de l'humanitaire agissent contre cela," insiste-t-il.

Les violences sexuelles commises en masse au Soudan du Sud sont utilisées comme armes de vengeance entre les communautés.

L'aide aux victimes passe aussi par les efforts pour les réintégrer dans leurs familles et la société.

AID ZONE | RAPE AS A WEAPON OF WAR - SOUTH SUDAN
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