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Ce qu'il s'est passé quand j'ai décidé de déléguer ma charge mentale à mon mari et mes enfants

La charge mentale n’est pas du mythe. La charge mentale est une réalité vécue par une majorité de femmes. Maintenant en 2018, on sait tous ce que c’est.
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Thomas Northcut

Tu le sais. Tes amis et ta famille le savent. Tes collègues le savent. Tes enfants le savent. La société le sait.

La charge mentale n'est pas du mythe. La charge mentale est une réalité vécue par une majorité de femmes.

Je ne vais pas te gonfler avec des chiffres, des statistiques ou encore des articles scientifiques.

Maintenant en 2018, on sait tous ce que c'est.

Je vais juste te parler de mon expérience perso. De ce que j'ai constaté quand j'ai décidé de «soulager» ma charge mentale.

Posons la situation: je vis en campagne avec un homme qui a des horaires de travail approximatifs, un ado qui va au secondaire et une enfant au primaire. Moi aussi je travaille. Je cumule même deux boulots: conceptrice web à mi-temps et professeure de danse burlesque à mi-temps un soir par semaine, mais assez loin de chez moi.

Mais comme la plupart les femmes, je cumule, en plus de ces boulots, la gestion des enfants, de la maison, des menus, la logistique, la vie de famille en général.

Comme la plupart des femmes, je suis aussi une mère, une bosseuse, une ménagère, une cuisinière, un taxi, une responsable de planification (de tous les planifications), une infirmière, une comptable, un bloc-notes sur pattes, une psy, une amie, une penseuse...

Je pense à tout. Tout le temps. Ce qui veut dire que même la nuit, alors que j'essaye de faire une nuit sans réveil, je pense. Je pense à ce mot à signer dans le cahier de liaison. Je pense d'ailleurs qu'il faut un pique-nique pour la sortie du 12. Qu'il faut un justificatif du médecin pour le sport de la petite. Qu'il faut passer au secrétariat de l'école pour l'orientation du grand. Qu'il faut décongeler la viande pour ce soir. Qu'il fait acheter des brosses à dents. Qu'il faut aller chercher la petite à l'étude à 18h. Et en plus de tout ça, il faut être de bonne humeur...

Cette liste non exhaustive n'est qu'un léger aperçu. Car comme l'a démontré une des dernières études en date, «être maman équivaut au 2,5 emplois». Merde. J'avais dit que je ne parlerais pas de chiffres.

Et puis un jour, j'ai pris une claque. Je partais de chez moi à 17h50 pour aller récupérer ma fille, soit 10 minutes avant la sortie de l'étude. Ce jour-là, Bruce (mon conjoint, NDLR) est rentré à la maison au moment où je sortais de la maison. Je lui ai demandé pourquoi il n'avait pas poussé jusqu'à l'école et il m'a simplement dit «mais oui t'as raison, je n'y ai pas pensé!»

Le déclic

Il n'y a pas pensé parce que dans son inconscient et sa routine, bah je pense à tout, tout le temps et pour tout le monde. Il ne se pose pas de question puisque de toute façon, j'ai toujours les réponses. Et au pire, ces questions, il sait que je me les pose à moi-même. C'est à cause de ce raisonnement qu'il m'envoie 12 textos le mardi soir pour me demander ce qu'il doit faire à manger alors que je suis en train de bosser.

Pour la plupart des hommes, on ne leur a pas appris qu'ils pouvaient et même devaient penser et faire. Et ils ont toujours vu maman tout faire.

Donc ce jour-là, j'ai décidé de soulager ma charge mentale et de faire confiance à mon mec et mes enfants pour voir un peu et ce que ça fait de ne penser à rien (ou du moins, à pas grand-chose.)

Après tout, on est quatre à vivre dans cette maison. Pourquoi serais-je la seule à tout gérer?

Donc voilà ce que ça a donné depuis que j'ai arrêté de penser à tout.

La fille Kamoulox
La fille Kamoulox
  • Le linge sale s'accumule
  • On mange des pâtes midi et soir
  • La table n'est débarrassée qu'à moitié
  • On reçoit des relances de factures
  • Les bouteilles vides et autres serviettes sales traînent dans le salon
  • la petite n'a pas été au tennis depuis 1 mois
  • Les feutres ont séché, car ils n'ont pas été rebouchés
  • Le tapis de douche est moisi
  • Le bordel s'accumule sur la table de la salle à manger
  • Les petites cuillères ont disparu sans laisser de traces
  • Une poubelle est remplie d'eau dans la baignoire depuis des semaines

Et tout un tas de choses qui n'ont pas été faites parce que personne n'y a pensé. C'est aussi bête que ça!

Et moi, pendant ce temps-là je rumine. Parce que je pense encore et toujours à ce qui doit être fait et je vois que personne d'autre n'y pense. Ma charge mentale est donc encore plus fournie qu'avant. Parce que maintenant, va falloir rattraper ce retard.

J'ai cherché des solutions pour répartir les tâches, pour que chacun sache ce qu'il peut faire pour que notre vie soi facilitée. Par exemple, on peut mettre en place une planification. Mais encore une fois, ce sera à moi de me charger de tout répartir et encore à moi de devoir rappeler ce que chacun doit faire et encore à moi de dire et redire ce qu'il reste à faire.

Je suis fatiguée. ON est fatiguées.

Fatiguée d'avoir le cerveau en ébullition jour et nuit au point de ne plus dormir. Fatiguée d'avoir l'impression d'être seule dans cette galère.

Je crois vraiment que pour ma génération, c'est foutu, on va juste passer notre vie à se bagarrer. Alors au lieu de râler, je vais juste accepter ça. Par contre, je ne vais pas lâcher l'affaire pour éduquer mes enfants de sorte qu'ils ne vivent pas ça et qu'ils ne fassent pas subir ça à quelqu'un.

Encore maintenant, en 2018, la majorité ne comprend pas la charge mentale. Beaucoup croient encore que c'est une invention des femmes pour emmerder le monde. Ce n'est pas assez pris au sérieux.

Alors que la charge mentale, ça te fout en dépression, ça fait des burn-out, ça appelle au suicide...

Il est grand temps d'écouter les femmes (et les hommes dans la même situation).

Ce billet est également publié sur le blogue La fille Kamoulox et sur le HuffPost France.

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