Simone Veil, l’icône des droits des femmes, n’en finit pas de fasciner et d’inspirer. A la veille de son entrée au Panthéon avec son mari Antoine le 1er juillet prochain, ne ratez pas « Albums de  Familles » sur France 3. « [Ses] genoux, mon fauteuil préféré », confie avec émotion, l’un de ses fils, qui explique avoir « appris à [la] partager avec des millions d’inconnus ». Ses petites filles évoquent, elles, « une grand-mère pas comme toutes les autres ». Et c’est toute la force de ce film qui nous fait entrer dans l’intimité de la famille Jacob (le nom de jeune fille de Simone Veil) puis de la famille Veil. De sa naissance à Nice en 1927, sa complicité avec son frère Jean de deux ans son aîné, ses années de scoutisme avec sa sœur adorée Milou, cette maison aussi où on lit Montaigne, Racine, Zola mais où musique et religion n’ont pas leur place. Des photos d’archives exceptionnelles qui racontent le lien si fort entre Simone enfant et ses parents André et Yvonne Jacob.

« Si une femme veut être indépendante, elle doit faire des études et travailler. Et même si son mari s’y oppose, tel est le prix de sa liberté. »

Les années passent, les sourires laissent place à l’inquiétude. « J’ai eu très peur. A partir de 1940, j’ai toujours eu peur d’être arrêtée, de ce qui pouvait survenir », confiera des années après Simone Veil. A 14 ans, elle s’élève déjà contre ce qu’elle considère comme injuste. Suite à la loi de Vichy de 1941, quand son père fait recenser la famille comme juive, elle s’oppose à lui. A 16 ans, elle écopera même de six mois de prison et 500 francs d’amende. Mais qu’a-t-elle fait, la cette jeune Simone ? Elle a chanté l’Internationale avec des cousins. Un voisin les dénonce. On comprend dans ce portrait que Simone porte déjà en elle les germes de son futur engagement : cela l’agace que son père André interdise à sa mère Yvonne de travailler. Cette mère chérie lui transmet d’ailleurs la plus belle des leçons : « Si une femme veut être indépendante, elle doit faire des études et travailler. Et même si son mari s’y oppose, tel est le prix de sa liberté ». De ses grands yeux verts, elle observe son monde se craqueler… jusqu’aux terribles années qui suivront.

« Il fallait tout de même se défendre, sinon rapidement la vie vous échappait. »

Le 30 mars 1944, elle va fêter la fin des épreuves du bac avec ses amis quand elle est arrêtée. S’ensuit alors la déportation pour l'enfer d'Auschwitz. Elle a 16 ans, se fera passer pour plus âgée - comme lui a précieusement glissé à l’oreille un prisonnier - pour rester coûte que coûte avec sa mère et sa sœur. « Il fallait tout de même se défendre, sinon rapidement la vie vous échappait. C’est peut-être pour ça que je leur ai servie, j’étais plus dure », confiera-t-elle bien des années plus tard. Le film retrace l’indicible jusqu’au retour en mai 45 à Paris, le cœur anéanti d’avoir dû dire adieu à sa mère, son pilier, emportée par le typhus. Il faut vivre désormais. Oui mais comment, quand tant ne sont plus là ? Et comment décrire l’horreur ? Qui peut l’entendre ? Le silence se révèle parfois précieux à cette époque. L’urgence de la transmission se fera plus tard. La jeune femme rejoint Sciences Po et c’est en 1946 qu’elle rencontre Antoine Veil lors d’un court séjour passé à la montagne. Ses fils racontent qu’il lui aurait porté ses skis. Ils ne se quitteront plus jamais désormais. Et le film de nous entraîner dans cette vie si précieuse, mariage, naissances, famille chérie. Des drames il y en aura encore, mais Simone Veil, digne, jamais ne s’écroule. En parallèle, elle veut travailler, se voit en avocate, deviendra magistrate. Nous sommes dans les années 50 et une femme qui ne reste pas à la maison, ça fait encore jaser. Mais il en faut plus pour la faire reculer. Simone Veil entre dans l’Histoire en devenant ministre de la Santé et en portant sous les quolibets, les insultes et les menaces, la loi donnant enfin à chaque Française qui le souhaite le droit à l'interruption volontaire de grossesse.
 

 
Jamais Simone Veil ne renonce, luttant pour l’émancipation des femmes, préparant la parité et portant l’Europe en son sein. Jean Veil, son fils, se souvient avoir « reçu l’eau de la carafe une ou deux fois car il [avait dit] une incongruité sexiste ou machiste ». Les souvenirs sont précieux, les anecdotes tantôt douloureuses ou savoureuses. Un tourbillon. Une vie exceptionnelle qu’on ne se lasse pas de (re)découvrir car oui, presqu’un an après sa disparition, elle nous manque toujours autant. Et nous ne devons  jamais renoncer à porter et faire vivre son héritage féministe.

> « Simone Veil, Albums de familles », d’Hugues Nancy (Nilaya Productions), mercredi 27 juin, 20h55, France 3.