Le label AB vit-il ses dernières heures ? Le CESE, Conseil économique, social et environnemental, recommande d'en faire un label plus cohérent, éthique et local. Une refonte qui permettrait au secteur bio de ne pas reproduire les dérives de l'agriculture conventionnelle. 

Un label AB plus cohérent, plus local et plus éthique. Voilà ce que recommande le CESE, le Conseil économique, social et environnemental, dans un nouveau rapport sur la qualité des produits alimentaires. Car depuis la refonte du règlement bio européen en 2010, le label AB n’est qu’un pis-aller.
Sa présence a été maintenue sur les produits alimentaires du fait de sa notoriété auprès des Français, mais en réalité il est désormais aligné sur le cahier des charges que l’Eurofeuille, le label bio européen. Or à l’origine, le label AB était bien plus contraignant que celui mis en place par Bruxelles.
"Clairement le label européen a le mérite faire un pont entre tous les pays, mais il n’est pas assez exigeant", expliquait à Novethic Claude Gruffat, président de Biocoop, enseigne historique du bio. "Il n’est pas dans une démarche RSE (Responsabilité sociétale des entreprises). C’est du conventionnel sans pesticide. Il peut certifier des tomates cultivées sous serre par des travailleurs sans papiers et sous-payés du sud de l’Espagne".
Les consommateurs ne veulent pas seulement des produits sans pesticide
Pas de garantie de circuit court, de juste rémunération des agriculteurs ni même de saisonnalité. Le label AB ne respecte pas "l’esprit de la bio". Pour le contrer, Biocohérence, un label soutenu par quelques enseignes historiques de la bio, a fait son apparition. Très exigeant, il prend en compte une multitude de critères et pointe un label AB qui "tire vers le bas" la filière.
Mais ce label, existant depuis une dizaine d’années, n’a pas pris l’ampleur attendue. Il s’est limité à une poignée de militants sans jamais se démocratiser. Pourtant, la demande des consommateurs abonde en ce sens, à l’image du développement des réseaux en circuit court comme les AMAP ou la croissance fulgurante de marques responsables, à l’instar de C’est qui le patron qui garantit aux agriculteurs une juste rémunération.
Les consommateurs ne veulent pas seulement des produits sans pesticide, ils souhaitent des produits locaux et justes, quitte à davantage débourser. "Aujourd’hui les consommateurs sont prêts à payer plus, ce sont les entreprises qui ne sont pas prêtes", témoignait David Garbous, directeur du marketing de Fleury Michon.
Ne pas reproduire les dérives du conventionnel
D’où la recommandation du CESE d’ajouter d’autres critères territoriaux, éthiques et sociaux au label AB. Un tel changement serait une révolution pour ce secteur qui change d’échelle avec l’arrivée de la grande distribution… et de ses pratiques si contestées comme la pression sur les prix imposée aux producteurs.
Il permettrait ainsi de ne pas reproduire les dérives qui pèsent aujourd’hui sur les agriculteurs conventionnels. En effet, selon le dernier rapport de l’Observatoire des prix et des marques, en 2017, comme les années précédentes, les prix payés aux agriculteurs ont été "inférieurs à la réalité des coûts de production et n’ont pas couvert la rémunération du travail et du capital".
Le renouveau du label AB pourrait enfin freiner le développement d’une bio à deux vitesses, dont une est plus responsable que l’autre. Les enseignes historiques comme Biocoop et Léa Nature plaident également pour cette refonte qui pourraient les démarquer de la grande distribution. 
Marina Fabre @fabre_marina 

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